Les Conquérants


Larry NIVEN
 Recueil de nouvelles (1988)
 1988-CORPS 9 - ANDROMEDE, MAISON DE LA FICTION,
Coll. Contes de l'univers connu [
Préface],GARGUIR Alain
 [
Traduction],GADRAS Hevé
[
Couverture],SANAHUJAS Patrice
contient une partie des nouvelles du recueil "Tales of known space" (1975)
 
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CONTES DE L'UNIVERS CONNU
De nombreux écrivains de Science-Fiction ont éprouvé la tentation d'écrire le futur, d'imaginer l'histoire des temps à venir. Peu cependant sont allés jusqu'à rationaliser une telle démarche en organisant leurs textes pour donner un panorama des siècles prochains. On connaît en France les cycles de Dorsai, Corlay, Dune, Fondation, l'Histoire du Futur de Heinlein..., mais on ignorait pratiquement jusqu' ici les Contes de l'Univers connu de Larry NIVEN, bien que de grands romans publiés en France en fassent partie, le célèbre Anneau-Monde par exemple.
Des huit nouvelles et novellae contenues dans ce volume, quatre sont INEDITES et quatre autres ont été publiées au coup par coup en revues.
De Mercure jusqu'à Pluton, c'est l'ensemble du Système solaire qui est désormais l'étendue vierge livrée aux nouveaux aventuriers. A cela près que les mondes inconnus orbitant autour de' notre soleil ne sont peut-être pas aussi vierges que cela. Et que les aventuriers de ces nouvelles frontières ont quelques handicaps de plus à vaincre : les atmosphères empoisonnées de leurs colonies, les comptes à rendre à la Terre-mère..., et le lot habituel des pionniers la solitude, la haine, la mort.
Une fantastique épopée qui renoue avec les meilleurs classiques du genre, une épopée humaine et technologique au sein de la plus grande jungle qui se puisse concevoir celle des étoiles.

    1. L'Endroit le plus froid (1964) (Nouvelle) The coldest place
    2. Calme plat en enfer (1965) (Nouvelle) Becalmed in hell
    3. L'Interminable attente (1968) (Nouvelle) Wait it out
    4. L'Oeil de la pieuvre (1966) (Nouvelle) Eye of an Octopus  (1968/12 OPTA, Galaxie n°55
    5. Comment meurent les héros (1966) (Nouvelle) How the heroes die (1967/09 OPTA, Galaxie n°41
    6. L'Homme-puzzle (1967) (Nouvelle) The jigsaw man
    7. Au fond du trou (1966) (Nouvelle) At the bottom of a hole
    8. Les Menteurs (1968) (Nouvelle) Intent to deceive

L'oeil de la pieuvre
C'était un puits.
Henry Bedrosian et Christopher Luden se penchèrent au-dessus du bord, scrutant le fond des ténèbres de jais. Leur motocyclette à pneus-ballon gisait oubliée sur le sable de talc, un sable fin et rose qui s'étendait jusqu'au plat de l'horizon empruntant sa couleur au ciel. Le ciel était couleur sang. Ç'aurait pu être un flamboyant coucher de soleil du Kansas, nais le soleil minuscule était encore au zénith. La pierre taillée translucide de la bouche du puits se tenait comme un blasphème dans l'étendue sauvage et toxique qu'était Mars.
Il se dressait à un mètre vingt au-dessus du sable, grossièrement circulaire, d'un diamètre d'environ trois mètres. Les pierres usées par les intempéries étaient des blocs érigés, de trente centimètres de haut sur dix de large et d'environ trente d'épaisseur. Quelle que fût la matière de ces pierres, elles semblaient luire d'une faible lumière intérieure bleue.
"C'est si humain !" dit Henry Bedrosian. Sa voix contenait une touche de déroutante frustration, à laquelle faisait écho son visage sombre et son nez en lame de couteau.
Chris Luden savait ce qu'il voulait dire. "C'est normal. Un puits est comme un levier ou une roue. On ne peut y apporter beaucoup de changements parce que c'est trop simple. As-tu noté la forme des briques ?
- Oui. Bizarre. Mais elles pourraient être faites de main d'homme.
- Dans cet air ? En respirant du bioxyde d'azote, en absorbant de l'acide nitrique rouge fumant ? Mais..."


Comment meurent les héros
Seule une absolue détermination l'avait fait sortir vivant de la ville. La bande aux trousses de Carter n'avait pas essayé de garder les buggies, puisque Carter aurait eu besoin de trop de temps pour en emporter un par le sas des véhicules. Ils auraient pu l'attraper là, et ils le savaient. Certains gardaient le sas du personnel, espérant qu'il essaierait d'y accéder. Il aurait pu essayer; car s'il avait réussi à leur fermer la première porte au nez et ouvrir la suivante, les sécurités l'auraient protégé le temps qu'il traverse la troisième et la quatrième, et sorte. Sur le Marsbuggy il était pris au piège dans la bulle.
Il y avait de la place pour circuler à l'intérieur. À cette date, moins de la moitié des maisons préfabriquées avaient été érigées. Le reste du sol de la cité-bulle était un plat de sable fondu, vide exception faite des piles éparpillées de cloisons, de plafonds et d'étages de mousse de plastique. Mais finalement ils l'auraient. Déjà ils mettaient en route un autre buggy.
Ils ne se seraient jamais attendus à ce qu'il fasse passer son véhicule au travers de la paroi de la bulle.
Le buggy s'inclina, puis se redressa de lui-même. Un rugissement d'air respirable hurla autour de lui, souleva un nuage de sable fin, et le projeta comme une déflagration dans l'atmosphère rare et toxique. Carter sourit tandis qu'il regardait derrière lui. À présent, ils mourraient, tous autant qu'ils étaient. Il était le seul à porter une combinaison pressurisée. Dans une heure, il pourrait revenir et réparer la déchirure de la bulle. Il allait devoir imaginer une fable à raconter au prochain vaisseau qui arriverait...


Au fond du Trou
...
Elle ne se gonflait pas. D'autres déchirures étaient cachées sous le bassin de poussière, et lorsque la pression a augmenté, la poussière a été soufflée et la bulle est retombée. Aujourd'hui, j'ai réparé quatre déchirures avant que le soleil ne m'ait saisi.
Un seul homme n'aurait pu faire toutes ces entailles.
Ce tissu est robuste. Un couteau le traverserait-il ? Ou bien faudrait-il autre chose, comme un couteau à découper électrique ou un laser ?
25 avril 2112
J'ai passé la plus grande partie de ce jour à lire le livre de bord de la cité-bulle.
Il y a eu un meurtre. Les tensions entre quinze hommes sans la moindre femme peuvent devenir assez féroces. Un jour, un homme appelé Carter a en tué un autre appelé Hamess, puis, pourchassé par le frère de la victime, il a fui pour sauver sa peau dans un des Marsbuggies. Aucun des deux n'est revenu vivant. Ils ont dû être à court d'air.
Trois morts ôtés de quinze, restent douze.
Puisque j'ai compté douze corps, qui restait-il pour lacérer le dôme ?
Des Martiens ?
Dans tout le livre, je ne trouve aucune mention qu'un Martien ait été vu. Hormis les puits, aucun artefact martien n'avait été découvert par la cité-bulle. S'il y a des Martiens, où sont-ils ? Où sont leurs cités ? Mars, dans les premiers temps, a été soumise à toutes sortes de reconnaissances en orbite. Même une cité aussi petite que la cité-bulle aurait été aperçue.
Peut-être n'y a-t-il pas de cités. Mais d'où proviennent les blocs de diamant ? Des diamants aussi gros que les matériaux du puits ne se forment pas naturellement. Il faut une technologie considérable pour en faire d'aussi gros. Ce qui implique des cités... je pense.
Cette momie. Pouvait-elle avoir des centaines de milliers d'années ? Un homme ne pourrait se conserver aussi longtemps sur Mars, car l'eau à l'intérieur de son corps réagirait avec le dioxyde d'azote autour de lui. ....


Les Menteurs
Un serveur vint à leur rencontre alors qu'ils se posaient. Comme un pion d'échecs surgi à la vie, il traversa le restaurant, glissa pour s'arrêter gracieusement sur le balcon de l'auvent, hésita suffisamment longtemps pour être sûr d'avoir capté leur attention, et ensuite revint à l'intérieur en un lent pas de promenade.
Le bruit de son déplacement était un doux murmure de brise provenant du rebord de sa jupe à effet de sol. Se faufilant parmi des tables occupées, vides ou ornées de plats décoratifs et de coupes de fleurs, ainsi qu'entre d'autres robots-serveurs bruissants, il les guida au travers de la salle de la Planète Rouge. À une table de deux sur le côté le plus éloigné de la pièce, il déplaça adroitement une chaise pour que le fauteuil de voyage de Lucas Gamer se loge. D'une manière ou d'une autre, il avait reconnu un paraplégique en Luke. Il tint l'autre chaise pour que Lloyd Masney s'y assoie.
Les peintures sur les murs du restaurant étaient rouge terne et vif argent : une version de Mars vue par Ray Bradbury, avec les spires d'argent d'une ancienne cité Martienne se nichant parmi des sables rouges. Sur les deux côtés de la grande salle, un canal rectiligne décroissait dans le lointain. En réalité, ses eaux d'argent traversaient le sol et étaient à leur tour traversées de ponts. Des Martiens fragiles et affadis se déplaçaient dans les rues de la peinture murale. Parfois, ils regardaient curieusement les clients, ces intrus humains dans leur monde simulé....


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