L'Odyssée du Pénélope (1997)


 
de Jean-Pierre Guillet
Ill. Jean-Pierre Normand
Saint-Lambert : Héritage, 1997.
coll. Echos SF
ISBN 2-7625-8470-1

 Que s'est-il réellement passé sur Biosphère M, la première colonie martienne ? Personne n'a survécu à l'explosion nucléaire, pas même le légendaire commandant Fitzchab. Soixante ans plus tard, Enia Makintock s'entête à croire le contraire. Elle partira à sa recherche, entraînant avec elle un médecin des îles de la Madeleine. Une expédition rivale s'organise. Quant au jeune et fougueux docteur, il tombe sous le charme d'une belle sirène. Un récit palpitant où s'entremêlent aventures et émotions intenses.

(Prix Aurora 1998)
Jean-Pierre Guillet 

 Un récit palpitant qui tient en haleine du début à la fin.

 de 12 à 17 ans


Extrait:

Prologue

Des étoiles. Je voyais des étoiles filantes. Quand je fermais les yeux, elles tourbillonnaient dans ma tête en vrombissant, éclataient en feu d'artifice, jaillissaient de mon crâne engourdi. Quand j'ouvrais les yeux, les étoiles ralentissaient, innombrables et froides dans la noirceur insondable de l'espace.
Où étais-je ? Ce ciel étoilé.. c'était la nuit ?
Je me sentais étourdi, malade. Le mal de mer ? Étais-je de retour sur l'île d'Entrée ?
Je me frottai le front, massai mon cou endolori. Dans le ciel, les étoiles bougeaient encore, quoique très lentement, en réalité. Devant, il y avait un homme. Il ouvrit la bouche et un écho vide de sens résonna dans ma tête. Il répéta.
- Alors, enfin réveillé, doc ? Fameuse cuite, hein ?
Grount. Oui, c'était le capitaine Harvé Grount. Alors, nous étions sur Lagrange, bien sûr. La fabuleuse station spatiale Lagrange qui tournoyait dans l'espace. C'est pour cela que les étoiles bougeaient. Mais... qu'est-ce qu'il racontait ?
- Cuite...? marmonnai-je, la langue pâteuse. Le capitaine me tendit un flacon d'eau. Je m'assis à demi pour boire, laissant échapper des bulles de liquide comme un bébé baveux. Mes nerfs étaient encore engourdis par le coup de fouet magnétique.
Le fouet magnétique ! À cette pensée, j'arrachai les sangles qui me retenaient à la couchette où je reposais. Je me levai d'un bond et... m'envolai ! Ouch ! J'allai donner de la tête contre le plafond de la cabine.
Le capitaine m'aida à reprendre pied, agrippant mes semelles velcro au tapis. Nous étions en apesanteur. Je fis des yeux le tour de la cabine, ébahi... J'étais à bord du vaisseau spatial Pénélope. L'image du ciel étoilé tournoyait lentement sur la console principale.
- Comme ça, vous avez un peu trop fêté le départ, doc ? reprit Grount.
Le départ ? Quoi, étions-nous sur le point de partir ?
- Pas...pas du tout ! m'exclamai-je. Qui vous a raconté cela ?
- Mais... c'est Enia, bredouilla le capitaine. Le professeur Dumas et moi l'avons aidée à vous porter ici.
Je vis alors l'autre occupant de la cabine, Roger Dumas, qui me considérait d'un air hautain.
- Foutaises ! explosai-je. Laissez-moi sortir d'ici. Je dois voir Laurianne...
Une voix éraillée se fit entendre derrière moi. La voix d'Enia Makintock.
- Je crains bien que ce ne soit difficile, dit-elle. Nous sommes déjà partis.
- Quoi ? En route pour... pour... balbutiai-je.
- Pour Mars, évidemment ! répliqua-t-elle sèchement. Et j'ai bien l'intention de gagner la course contre le Pégase !
La planète Mars ! Six mois pour l'atteindre, autant pour en revenir. Et combien de temps à chercher là-bas les traces de la malheureuse expédition Fitzchab, disparue il y a plus d'un demi-siècle ?
Je tempêtai, je menacai, j'invectivai... mais à quoi bon? Il était trop tard. À la fin, je m'assis sur ma couchette, les mains crispées sur la tête, un râle dans la gorge : «Laurianne...» Je ne la reverrais pas avant... une éternité !
Grount soupirait, l'air mal à l'aise. Dumas affichait un petit sourire ironique que j'avais envie de lui faire rentrer dans la gorge. Étaient-ils de mèche avec Enia Makintock ?
- Allons ! Biggul, dit-elle, reprenez-vous, que diable! Grâce à moi, un voyage extraordinaire vous attend. Rappelez-vous ma suggestion, en faire le récit...
Je jetai un regard noir à la vieille.

***

Par la suite, pourtant, l'écriture devint en effet une façon d'exorciser ma rage et ma peine, un moyen de meubler ces longues heures creuses, loin de Laurianne, le coeur vide comme l'espace qui nous encerclait. Je griffonnai dans mon calepin électronique, impressions, événements, extraits des médias... Je racontai comment, parti des rives bleues de l'île d'Entrée, j'avais fait escale sur une île de l'espace, pour naviguer maintenant vers les déserts rouges de Mars. Ainsi, je me remémorais les jours passés avec Laurianne. M'attendrait-elle tout ce temps ?

(pages 9 à 12)


Accueil   /   Romans  /  Anthologies et Nouvelles  /   Plan du Site

 © Mars & SF - Jacques Garin 1998-2004