A Leigh Brackett, bien sûr. A Peter John et
à Bernard, A Dominique Calvet. ainsi qu'aux écrivains qui
m'ont aidé, Ray Bradbury, Basil Wells, David C.Smith Jean-Pierre
Moumon et Daniel Riche Sans oublier Richard D. Nolane et Pierre
K. Rey.
Leigh Douglass Brackett est née le 7 décembre 1915 à
Los Angeles,Californie (décédée le 17 mars 1978 à Lancaster, Cal.). Elle était la fille de William Franklin
Brackett, comptable de son état, et de Margaret Leigh
Douglass. Les Brackett descendaient d'une vieille famille
écossaise venue s'installer avec les Forty-Niners (participants de la première ruée vers l'or en 1849) en
Californie. William Brackett mourut alors que sa fille
n'avait pas trois ans. Plus tard en rangeant des papiers de
famille, celle-ci s'aperçut que son père aimait écrire et elle
pensa qu'elle lui était probablement redevable de ce don.
Elle vécut une partie de son enfance à la Nouvelle-
Orléans et à Boston, mais elle n'y demeura que peu de
temps. De retour en Californie, elle grandit non loin de la
splendide plage alors presque déserte de Santa Minora, ce
qui favorisa de long-ues rêveries au bord de l'Océan et par
la suite un certain goût pour les épopées maritimes.
Son premier essai littéraire eut lieu à l'âge de neuf ans.
C'était une suite aux aventures des films de Douglas Fairbanks qu'elle admirait (Don Q ou La marque de Zoo). A
treize ans, elle se mit à écrire des nouvelles et des poèmes
dan ses cahiers mais elle n'en conserva rien.
Elle fut éduquée dans un collége de soeurs catholiques qui
parlaient et lui apprirent le français et l'allemand qu'elle
pratiqua toujours parfaitement. Les auteurs qu'elle découvrit en premier lieu furent Edgar Rice Burroughs dont les
romans martiens (Les dieux de Mars) l'impressionnèrent à
jamais, Arthur Conan Doyle (Le gouffre Maracot) qu'elle
lut dans le Saturday Evenine Post, Kipling et Rider Haggard. Plus tard ses lectures se portèrent vers des auteurs
aussi Importants que Steinbeck ou Hemlngway, puis vers
les auteurs du Roman Noir tels que Dashiell Hammett,
James Cain et Raymond Chandler qui lui servirent de
modèles sur le plan stylistique.
Dans son avant-propos au Livre de Mars (CLA
n°21-Opta 1969),
elle déclare: "Sans doute est-ce à mon sang écossais que je
dois d'avoir préféré à tout autre la planète Mars de Burroughs.
Le
romantisme des Celtes attachés aux causes
perdues, au déclin des choses nobles est bien connu...".
En 1946, la future romancière de La maison des Sorcières (Col.
Angoisse n° 3 Fleuve Noir, 1954), Evangeline Walton,
publia une trés belle adaptation du quatrième Mabinogi
sous le titre The Virgin and the Swine. On peut penser que
Leigh Brackett en eut connaissance et en profita pour étudier cet ensemble de récits de la Mythologie Celtique que
sont les Mabinogion, ainsi que le roman Gallois de
Kuhlwch et Olwen (préfiguration de La geste d'Arthur)
rattaché au même tronc, et où elle puisera outre son inspiration, de nombreux noms propres, tels que Rhiannon,
Caer, Penkawr, Llyr, etc.., qu'on retrouvera dans plusieurs
de ses histoires, leur conférant ainsi une coloration exotique
certaine.
Ses études terminées, Leigh Brackett se mit en devoir
d'enseigner à son tour et elle le fit avec beaucoup de conviction
dans
deux domaines: l'art dramatique et la natation!
Vers la fin des années trente, elle s'inscrivit à la Science
Fiction League de Los Angeles (LASFL), un Club de la
côte Ouest qui tenait ses meetings à la Clifton's Cafeteria,
située au 648 South Broadway, et que fréquentaient aussi
bien des auteurs confirmés et des amateurs qui allaient
devenir de futurs écrivains, tels que Forrest J. Ackerman,
David Keller, Arthur K. Darnes, Henry Kuttner, Eando
Binder, Julius Schwartz, Ray Bradbury et bien d'autres.
En 1938, elle y fit la connaissance de deux hommes qui
jouèrent un rôle important dans sa vie: le premier Ray
Bradbury n'avait alors que dix-huit ans et était étudiant;
c'est à ce moment-là déclare celui-ci qu'est née une solide
amitié. Leigh vivait à cette époque en partie chez sa
mère, dans l'ouest de Los Angeles, et en partie chez son
grand-père, à Venice (où habitait Ray). Comme leurs
domiciles étaient proches, l'un de l'autre, Ray rendait fréquemment visite a la jeune femme et lui soumettait ses
tentatives d'écriture dans le domaine S.F. Chaque dimanche, ils faisaient de longues promenades le long de Muscle
Beach, plage des culturistes californiens. Leigh lui fit ainsi
connaître au cours d'une discussion l'oeuvre de Hammett;
le second, Henry Kuttner l'aidera à mettre au point et à
publier sa première nouvelle dans la prestigieuse revue
Astounding S.F., nouvelle intitulée ô combien symboliquement : Martian Quest, et qu'elle vend en 1939, au tout
récent rédacteur en chef de l'époque, John William Campbell Jr,
qui
venait de succéder fin 1937, à Orlin F. Tremaine.
Martian Quest parait donc dans le numéro d'Astounding daté de
février
1940 et est écrite sous la double
influence du style de Kuttner et des idées déjà précises de
John William Campbell en ce qui concerne la Science-
Fiction. On y trouve, en effet, une rigueur de l'explication
scientifique qui montre bien que les auteurs de l'époque
savaient déja d'une manière précise quel type de récits lis
devaient envoyer ou non à telle ou telle revue. Disons que
cette nouvelle relate, bien entendu, un épisode de la colonisation martienne où le héros. un chimiste déchu qui tente
de se recycler en devenant fermier, va résoudre un problème scientifique qui permettra la survie de deux points
de colonisation. En un sens, c'est la moins "Brackettienne"
si l'on
peut dire des nouvelles de l'auteur qui visiblement n'avait pas
encore
soit approfondi son univers ou
soit l'avait écrite à l'intention précise de la revue.
C'est dans le numéro d'avril de la même année qu'on
trouve la seconde nouvelle publiée de Leigh Brackett. The
treasure of Ptakuth qui relate l'aventure d'un terrien,
Terry Shane, rétribué par la Fondation Archéologique
Martienne, et parti à la recherche du trésor de l'ancienne
Ptakuth dans le désert martien, en plein territoire Shunni.
Shane va parvenir à ses fins, non sans avoir manqué de
découvrir le secret de l'immortalité. Leigh commence donc
déjà à dresser la carte de la future planète Mars dans
laquelle évolueront quelques années plus tard Matt Carse
et Eric John Stark.
Afin d'en terminer avec son travail pour Astounding, il
convient de signaler sa troisième et dernière nouvelle pour
cette revue, nouvelle significative à plus d'un titre. The
sorcerer of Rhiannon (février 1942) parait au même sommaire que
There
shall be darkness de C.L. Moore, sa seule
véritable rivale (et amie) de l'époque. dont il faut aussi le
dire, les nouvelles (celles de Northwest Smith, l'aventurier
de l'espace) n'ont pas dû être sans l'influencer même si
elles étaient publiées dans une autre célèbre revue, Weird
Tales. The sorcerer of Rhiannon contient en germe presque
tous les ingrédients qui vont faire le succès de son roman,
Sea-Kings of Mars plus connu chez nous dans la traduction donnée par le Fleuve Noir, La Porte sur l'Infini (Col.
Anticipation n° 92, 1957) et réintitulée, L'épée de Rhiannon
dans
l'édition Marabout en 1974. Cette histoire met en scène un terrien,
Max Brandon, aventurier à la recherche
d'un trésor archéologique et qui découvre dans le désert
martien, lors d'une tempête, à bord d'un étrange navire.
les corps bien conservés d'un homme et d'une très belle
jeune femme. Il s'agit d'un roi sorcier de l'ancienne Mars
et de sa rivale qui attendaient là le moyen de se réincarner.
Le sorcier de Rhiannon s'empare alors du corps de Bran-
don et lui enjoint de partir à la recherche des Des de Rhiannon
où se
trouve une crypte renfermant tout le savoir
scientifique de sa race. En chemin Brandon est rejoint par
la femme qu'il aime, Sylvia. qui elle aussi à son tour va se
trouver possédée par la belle Kymra de Prirn Cen. Dans la
crypte va se dérouler, par personnes interposées, l'affrontement des deux entités martiennes, et seul l'énergique
Brandon parviendra à mettre à la raison, non sans mal, le
roi sorcier et sa rivale.
Leigh fut encouragée dans ses débuts littéraires par sa
famille et particulièrement par son grand-père qui lui fit
confiance. Et puis il fallait bien vivre, car à cette époque
le
métier d'écrivain de S.-F. ne rapportait pas grand chose. Il
fallait donc diversifier son travail et taper au plus grand
nombre de portes possible.
Sa troisième nouvelle à paraître fut donc publiée dans
Strange Stories en août 1940. The Tapestry Gate (La Tapisserie
maléfique - Fantastik n°13 - ed.Campus - 1983), récit fantastique, le seul qu'elle ait écrit, est encore un témoignage
de l'aide que lui apporta Henry Kuttner car elle figure au
même sommaire qu'une de ses longues nouvelles, The Seal
of Sin, et on y sent nettement l'influence de son style. De
plus, c'est un court thriller où l'on voit un homme, Dick
Stratton, se débarrasser de sa jeune femme dépensière,
d'une manière originale. Le crime est presque parfait...
" Naturellement Planet n'était pas Astounding, et ne
prétendit jamais remplacer cette revue et ce fut une
chance pour beaucoup d'entre nous qui aurions périclité si
John William Campbell Jr. avait été le seul acquéreur de
nos oeuvres. De toute manière, il n'y avait pas assez de
place pour nous tous dans ce magazine..." Ainsi s'exprime
Leigh Brackett avec un rien d'humour dans sa préface à
The Best of Planet Stories qu'elle compila pour l'éditeur
Ballantine en 1975 et où elle prit chaleureusement la
défense du Space Opera. Car Planet Stories, une des dix
revues où elle devait produire l'essentiel de son oeuvre,
allait lui offrir le meilleur et le plus important des débouchés pour ses histoires martiennes et vénusiennes.
En tout de 1940 à 1955 où la revue s'arrêta, elle y publia
régulièrement une vingtaine de récits comprenant à la fois
des romans et des nouvelles, allant du Space Opera le plus
pur, à l'Heroic Fantasy des romans martiens, et se dérou-
lant à l'instar des cycles d'Edgar Rice Burroughs, sur des
.mondes tels que Mercure, Vénus, Jupiter et ses lunes,
Alpha du Centaure et bien d'autres.
C'est par une courte histoire, encore très Westernienne,
qui se déroule dans les marais vénusiens qu'elle débuta
dans Planet en novembre 1940. The Stellar Legion (Fantastik
n°12-ed.Campus-1982) est aussi
intéressante pour plus d'une raison : d'abord elle met en
scène un terrien dégradé, un martien des bas canaux qui
garde la nostalgie de "Jekkara de son air sec, de ses petites femmes brunes, de ses tavernes et du Thil de chez
Madame Kan, cette boisson glacée aux tons verts, pétillant dans des coupes bleues", un géant étrangleur de
Titan et un inflexible commandant vénusien. Ces quatre
légionnaires perdus dans les marais de Vénus, lors d'une
révolte des Nahalis vont s'affronter car parmi eux s'est
glissé un traître qui veut déserter... Ensuite parce qu'il
semble bien qu'elle ait été écrite par Leigh Brackett seule.
Cette histoire aurait bien pu lui être inspirée par les
récits d'un troisième écrivain qui allait louer le plus iniportant
des
rôles dans sa vie, l'écrivain confirmé qu'était à
l'époque pour une débutante comme Leigh, celui qui
devait devenir son futur époux, Edmond Hamilton.
Leigh fit sa connaissance durant l'été 1940. Alors de passage à Beverly Hills, Hamilton venait de rencontrer Mort
Wesinger et Julius Schwartz, son agent littéraire.
Schwartz (qui par la suite fut l'un des principaux rédacteurs
et
directeur de la firme des Comics D.C.) était à ce
moment-là l'agent d'écrivains tels que Robert Bloch,
Alfred Bester, Otto Binder, H.P. Lovecraft avant d'être
celui de Ray Bradbury. Il présenta la jeune Leigh Brackett
à Hamilton et à Jack Williamson lui aussi écrivain confirmé de
longue
date. Hamilton la revit durant l'été 1941 à
Los Angeles; puis en 1946, après avoir correspondu avec
elle pendant les années de guerre, il revint à Hollywood et
l'épousa quelques mois plus tard le 31 décembre. Ray
Bradbury fut leur témoin.
Entre temps, Leigh qui avait à charge sa famille, étendit
sa collaboration à d'autres revues, telles que Startling Stories,
Super
Science Stories, Science Fiction, Amazing Stories, Cornet, et
enfin à
Thrilling Wonder Stories (1944).
Comme ces récits étaient assez mal payés, elle se lança
dans l'écriture d'un roman policier qu'elle intitula No good
from a corpse. Ce roman devait jouer un rôle capital dans
sa carrière. Il parut en 1944, chez Coward - McCann,
N.Y., et relatait les aventures d'un détective privé, appelé
Ed Clive, qui doit rechercher les meurtriers d'une femme
qu'il avait aimée, Laurel Dane. Le roman fut très bien
accueilli et édité en paperback par Handi Books. Par la
suite, elle en écrivit un second, Stranger to Home (1946),
pour le compte de l'acteur George Sanders qu'elle admirait
beaucoup. Mais Hollywood fascinait beaucoup la jeune
femme. En 1945, elle travailla pour la première fois sur un
court métrage fantastique: The Vampire's Ghost pour la
firme Republic, film d'épouvante réalisé rapidement, a
ten-day wonder, et sans grand intérêt. Puis dans la foulée,
elle participa aux côtés d'Eric Taylor, à l'élaboration de
l'un des épisodes de la série Crime Doctor créé par Max
Marcin; cet épisode réalisé pour la firme Columbia s'intitule Crime doctor's Manhunt et fut tourné par William
Castle, en 1946.
Mais il restait à Leigh Brackett à prendre un véritable
départ et curieusement ce fut le metteur en scène Howard
Hawks qui le lui offrit. A l'époque les scénaristes Hollywoodiens travaillaient comme de véritables salariés avec
des heures fixes et des bureaux étaient mis à leur disposi-
tion avec obligation de présence. De grands écrivains
comme Chandler, Hammett ou Faulkner pour ne citer
qu'eux, eurent bien du mal à s'acclimater à ce système draconien. Faulkner par exemple, qui écrivit en 1912 aux frères Warner parce qu'il devait d'importantes sommes
d'argent à son épicier et qui leur demanda de l'engager en
tant co-scénariste, obtenant ainsi un contrat de sept ans,
ne put jamais se plier à la dure discipline Hollywoodienne,
tant son esprit d'indépendance et son inspiration l'éloignaient d'un tel système.
Hawks envisageait déjà d'adapter à l'écran le roman de
Raymond Chandler, The Big Sleep (Le Grand Sommeil). Il
sentait qu'il était nécessaire d'avoir une équipe de scénaristes assez complète. Ayant lu No good from a corpse, il
demanda à Hugh King, l'agent de Leigh de lui présenter
l'auteur du roman car il avait compris qu'il était nécessaire
pour rédiger des dialogues suffisamment vivants, d'avoir
quelqu'un de capable afin d'aider Faulkner. Leigh connaissait très bien l'œuvre de Chandler et fut enchantée de se
voir engagée aux côtés de Faulkner pour rédiger le scénario du roman. En fait, sa collaboration et son amour-propre
reçurent un coup terrible. Faulkner lui confia un chapitre
sur deux et disparut ne lui adressant plus la parole que
pour la saluer poliment lorsqu'il venait au bureau! Chandler, dont elle fit la connaissance à l'époque. Ia félicita pour son travail ; quant à Humphrey Bogart, entre
deux prises de vues, il lui demanda qui avait écrit tous ces
verbes au subjonctif qui le gênaient si fort dans certains
dialogues. Leigh répondit que ce n'était pas elle, sans plus,
Par la suite, Hawks engagea Jules Furthmann, scénariste
chevronné, pour mettre au point la version définitive du scénario
car en cours de route, il arrivait au grand metteur en scène de
faire refaire certaines scènes suivant ses propres indications.
On sait à présent le succès qu'obtint le film.
Mais comme son travail pour Hollywood sur Le grand sommeil l'accaparait
trop, Leigh confia alors à Ray Bradbury un court roman qu'elle écrivait
et qui mettait en scène un aventurier terrien sur la planète Vénus,
un certain Hugh Stark, premier avatar de son futur héros préféré,
Eric John Stark ; Lorelei of the Red Mist (Lorelei de la brume rouge,
Temps Futurs, 1982) fut donc achevée superbement par Ray Bradbury.
Ce dernier d'ailleurs reconnaît très aisément la précieuse aide
que lui apporta Leigh Brackett de 1942 à 1945, alors qu'il rédigeait
bon nombre des histoires qu'il devait réunir en 1950 dans ses Chroniques
Martiennes. Lorelei est l'une des rares collaborations de Leigh.
Cette longue nouvelle parut dans le numéro d'été de Planet Stories
et ce fut d'ailleurs la seule nouvelle importante qu'elle signa
en 1946. L'année précédente, il en avait été de même, mais le récit
fourni à l'époque, au printemps, toujours au même magazine, s'intitulait
The vanishing Venusians. Il avait pour cadre la planète Vénus et
relatait une des phases de la colonisation de ce monde ainsi que
la fin de deux races de vénusiens aux terribles pouvoirs.
Il faudra attendre 1948, et le numéro d'octobre de Thrilling
Wonder Stories pour voir réapparaître enfin la signature de Leigh
Brackett dans un magazine. C'est encore une histoire du cycle Vénusien
qu'elle avait choisi d'illustrer: The Moon that Vanished (La Lune
disparue - Temps Futurs, 1982) est une superbe nouvelle se déroulant
sur la mer vénusienne et relatant une poursuite et une quête. David
Heath, un terrien, part en compagnie de deux vénusiens, une prêtresse
évadée des Jardins du Temple, Allore, et son amant, un porteur (le
lance, Broca. à la recherche du feu lunaire. lleath est le seul
être humain d avoir approché
le feu et à en être revenu. Les trois fuyards sont poursuivis
par Johor, un capitaine commerçant et les prêtres des Enfants de
la Lune. C'est que le feu lunaire est susceptible de donner la puissance
et l'immortalité dit-on et ceux qui le détiendraient seraient ainsi
les égaux des Dieux.
Le numéro d'hiver de Planet Stories avait marqué le retour de
Leigh sur son monde favori, la planète Mars, avec The beast-jewel
of Mars (1948). traduit en français dans Le Livre de Mars sous le
titre, Le Jardin du Shanga ou encore chez J'ai Lu, in Les meilleurs
récits de Planet Stories (n° 617) sous un autre titre, Bestiaire
Martien. Le héros de cette histoire, Burk Winters, affronte les
martiens de Valkis, adorateurs du Shanga, un rayon qui permet, en
même temps qu'il provoque une sorte de régression physique, d'obtenir
une certaine libération des inhibitions de l'individu. Comme une
drogue, le Shanga provoque aussi une accoutumance et Burk Winters
qui recherche celle qu'il aime, devra, pour la sauver, détruire
le rayon et ses adorateurs.
L'année suivante, 1949, devait être une année presque tout entiére
vouée à la planète rouge, car deux sur trois des romans qui furent
produits par l'auteur avaient pour cadre ce monde mourant.
Une courte nouvelle, Quest of the Starhope (Thrilling Wonder
Stories, avril 1949), met en présence les descendants de l'ancienne
race martienne, le Peuple du ciel, qui a perdu ses pouvoirs, et
un aventurier assez peu scrupuleux, Bert Quintal, qui détient en
otage un petit vénusien télépathe appelé Butch. Quintal découvre
au coeur de leur ville, une fonderie abandonnée et un métal anti-pesanteur
dont il suppute immédiatement toute l'utilité. Mais sa rapacité
et sa cupidité, ainsi que son manque de générosité vont le conduire
à sa perte et ses victimes vont retrouver leur liberté après un
long combat. A noter que le héros humain est pour la première fois
plus tourné vers le mal que ses adversaires, et que Leigh ne le
lui pardonne pas!
A bien l'examiner, l'oeuvre de Leigh Brackett s'étend dans trois
directions : la Science-Fiction, le Policier et le Western. Ces
trois
genres seront abordés au niveau de la littérature et du cinéma
dans une
sorte d'échange perpétuel entre eue. Le paradoxe résidant d'ailleurs
dans le fait que le genre ou elle aimait le plus écrire, la SF, ne
fut abordé par elle au cinéma qu'au dernier instant de sa carrière,
à
la fin de sa vie, lorsqu'elle écrivit le premier jet du scénario
du
second film de la série Star Wars pour George Lucas! La vie
de Leigh
Brackett fut donc pleine d'enseignement et d'enrichissement perpétuels,
l'expérience littéraire permettant le développement de l'activité
cinématographique et son talent de scénariste - on l'a vu dans
le film
d'Altman, Le Privé, adaptation de la meilleure oeuvre de Chandler,
The
long Goodbye (1973) --- lui permettant d'aborder des oeuvres
ambitieuses au niveau littéraire SF.
Après l'année 1946, 1949 allait apporter à Leigh la consécration
dont
elle avait besoin au niveau SF. Cette année là, Matt Carse et
Éric
John Stark naquirent effectivement presque simultanément: Sea-Kings
of
Mars parut en juin dans Thrilling Wonder Stories et Queen of
the
Martian Catacombs (Le secret de Sinharat -- J'ai Lu n° 734, 1977)
parut
dans le numéro d'été de Planet Stories.
Mais il faut aussi le souligner, en 1944, Leigh avait déjà donné
un
premier roman martien au magazine Startling Stories, Shadow over
Mars,
publié en paperback en 1961, chez Ace Books sous le titre, The
Nemesis
from Terra. Ce roman retraçait une révolte martienne sur le très
beau
slogan, le vent se lève contre la tyrannie que fait régner une
puissante Compagnie minière dans la ville de Ruh, révolte qui
éclate
lorsqu'une prophétie informe le roi et les seigneurs martiens
qu'un
terrien va régner sur la planète. On retrouve dans ce premier
roman, le
peuple des hommes volants de Caer Hebra et celui des Penseurs
des Cités
Polaires. Brackett y déploie déjà tout son art de l'épique.
Incontestablement, cependant, c'est dans Sea-Kings of Mars qu'elle
va
réaliser pleinement la synthèse de l'univers Martien qu'elle
avait
brossé, touche après touche, dans ses précédentes histoires.
La Porte sur l'Infini reprend le thème traditionnel de l'aventurier
terrien, Matthew Carse, à la recherche d'un trésor martien et
qui,
découvrant l'épée et la tombe d'un dieu martien, Rhiannon le
Maudit, se
trouve projeté dans un lointain passé de la planète Mars, du
temps de
sa splendeur, alors que ses mers n'étaient pas asséchées et qu'on
ne
l'appelait pas encore la planète rouge.
La Mars antique est partagée entre Humains et Hybrides. " Chez
les
humains, les plus grands étaient les Quiru qui sont, partis...
mais il
y avait aussi les Hybrides... Ce sont les Nageurs, nés des créatures
marines; le Peuple du Ciel, qui vient des choses ailées : puis
les
Dhuviens, descendants du Serpent..." Ces derniers, dans le passé, ont convaincu Rhiannon des Quiru
de leur
révéler une partie du savoir de sa race. Grâce à cette traîtrise,
ils
ont acquis une position dominante dans leur forteresse de Caer
Dhu dont
ils ont fait une ville imprenable. Les Quiru, de leur côté, se
sont
réfugiés nu fond de l'espace pour une raison mystérieuse et avant
de
s'en aller, ils ont enfermé Rhiannon dans une tombe secrète,
pour le
punir de les avoir défiés en faveur des Dhuviens. Mais cela c'est
ce
que conte peut-être la légende.
Parmi les races humaines, le peuple de Sark, redouté et détesté,
s'est
fait l'allié des Dhuviens. Le roi Garach et sa fille, la belle
Ywain,
ne sont, en fait, que des jouets entre les mains du Peuple des
Serpents.
Matt Carse est rapidement fait prisonnier dès sa sortie de la
tombe de
Rhiannon par les soldats de Sark et il devient galérien à bord
du
navire qui transporte la belle Ywain. C'est là qu'il fait connaissance
des sinistres alliés
de Sark : il tue un des conseillers de la princesse et en même
temps
maîtrise celle-ci et s'empare du navire. Une force inconnue semble
le
posséder depuis qu'il a traversé le temps pour. rejoindre la
Mars du
passé et qu'il a trouvé l'épée de Rhiannon.
A Khondor, sur laquelle règnent les Rois de la Nier, nid d'aigles
au
coeur de gigantesques falaises, Matt Carse doit non seulement
affronter
ses propres amis et les convaincre de le suivre pour détruire
Caer Dhu,
mais encore, il doit faire face aux accusations de la voyante
£mer qui
déclare qu'il n'est autre que Rhiannon, le Maudit. Soumis à l'examen
des Sages, des Hybrides dotés de pouvoirs extrasensoriels, Carse.
est
sommé de parler. Une ombre noire s'étend en lui et une voix admet
que
le terrien est possédé par le Maudit. Le dieu Quiru prenant alors
possession de Carse révèle qu'il veut réellement détruire le
Serpent
qui l'a trompé et qu'il reconnaît ses torts. Carse est libéré
de
l'enchantement d'Emer et déclare qu'il va remettre les armes
de
Rhiannon aux Khondoriens et il leur dévoile l'endroit où se trouve
le
tombeau. Mais Raid, un des Rois de la Mer, qui allait les chercher,
est
capturé par les soldats de Sark.
Carse s'enfuit alors de Khondor, en compagnie de Boghaz, un voleur
de
Valkis, et d'Ywain. Il fonce vers Sark avec l'équipage du bateau
dont
il s'était emparé en simulant l'attitude du Dieu Quiru. Tout
le monde
le redoute alors, car on le sait possédé par le Maudit. Ywain,
ellemême, presque convaincue, lui avoue qu'elle déteste ses élèves
rampants de Caer Dhu. Le vaisseau parvient à Sark et Ywain conduit
Carse jusqu'au roi Garach, son père, qui se trouve alors en compagnie
d'un émissaire de Caer Dhu, Lord Hishah.
Carse/Rhiannon apprend à ce moment-là que ses armes ont été
transportées à Caer Dhu et que le Serpent a vraiment l'esprit
de
conquête. Il demande en vain qu'on lui ramène ses armes. Hishah
lui
déclare qu'il est nécessaire qu'il se rende à Caer Dhu lui-même
car
personne n'ose plus les toucher. Le terrien se trahit en cours
de
route, devant une barrière d'énergie et Hishah qui ne croit plus
qu'il
est Rhiannon le défie en se moquant ainsi que tout son peuple,
de
s'emparer de ses armes.
Rhiannon finit cependant par se manifester et, s'emparant de
l'une de
ses aimes, détruit les Serpents de Caer Dhu.
Dès lors la paix revient sur Mars. Rhiannon propose à Carse et
à Ywain
de retourner vers la Mars du futur d'ou vient le terrien. Rhiannon
appelle les siens et se voit pardonné. Carse et Ywain sont transportés
dans le futur ainsi que l'épée de Rhiannon, présent du Quiru.
La Porte vers l'Infini marque un sommet dans l'oeuvre écrite
de Leigh
Brackett. Lorsque ce roman parut en 1957 au Fleuve Noir, il
occupa une
place considérable au sein de cette collection et enflamma bien
des
imaginations. C'est que Brackett atteint avec ce roman un subtil
équilibre entre toutes les composantes de ses idées et de son
style.
Car ce roman, somme toute assez manichéen, flamboie sous la poésie
et
la vision épique de l'auteur. Le thème de la chute et du rachat
d'un
homme-dieu égaré, Rhiannon des Quiru, qui voulut donner la connaissance
à ceux qu'il avait choisis et qui le trompèrent, est développé
superbement tout. au long du roman. Les lecteurs américains
accueillirent avec passion Sea-Kings of Mars comme la meilleure
oeuvre
de celle qu'ils appelaient avec sympathie, La Brackett. Certains
firent
remarquer cependant que l'auteur était passé largement par-dessus
un
fameux paradoxe temporel puisque Carse ne pouvait plus trouver
dans le
passé à son point de départ ni l'épée ni Rhiannon dans sa tombe.
Ils
oubliaient cependant que la magie ou la Science des Quiru était
celle
de quasi-divinités et que le paradoxe pouvait être violé en toute
quiétude en faveur d'un écrivain aussi puissant que Leigh Brackett.
la suite... (bientôt)
© Charles Moreau, Fantastik n° 12, 1982 Article
scané grâçe à Laurent de SFMarseille couvertures
des pulps grâçe à la complicité bienveillante de Jacques Hamon
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