 de Greg Bear Livre de Poche n°7215 (1999) Isbn : 2-253-07215-X Ill:
MANCHU
Traduction: GuyABADIA
Prix Nebula 1994
 ed.Heyne
Bücher
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4e de couverture Vint le jour où
la jeune République martienne voulut prendre
son indépendance contre la volonté d'une
Terre au faite de sa puissance. Dans cette page
d'histoire, Casseia Majumdar, étudiante rebelle,
puis condamnée pour haute trahison, réhabilitée,
élue Présidente de Mars, devait douer
un rôle déterminant. Voici le journal,
complet et inexpurgé, de l'une des héroïnes
les plus controversées de l'histoire de Mars
et de tout le Système solaire, qui rapporte comment
Mars prit son envol. Bien au-delà des limites
du Système solaire L'Envoi de Mars s'inscrit dans le même
avenir que La Reine des anges, l'un des chefs-d'oeuvre de Greg Bear,
précédemment publié . |
Premiére page du livre
Les
jeunes ont oublié l'ancienne Mars sous un soleil
jaune, avec son ciel barré de nuages et piqueté
de poussière rose, son sol rouilleux et sablonneux,
ses habitants vivant dans des terriers pressurisés,
ne s'aventurant en haut que pour accomplir un rite de
passage ou assurer la maintenance ou encore s'occuper
des cultures filiformes étirées comme
des nids de serpents d'un vert intense sur les territoires
agricoles balayés par les vents. Cette Mars-là,
une Mars âgée et fatiguée, pleine
de jeunes vies, a disparu à jamais. Aujourd'hui,
c'est moi qui suis vieille et lasse, et Mars a retrouvé
sa jeunesse. Nos existences ne nous appartiennent
pas, mais nous devons faire, Dieu m'en soit témoin,
comme si c'était le cas. Quand j'étais
jeune, mes actions ne me semblaient pas avoir suffisamment
d'importance pour compter en quoi que ce soit; mais
quelques grains de poussière qui volent, dit-on,
peuvent très vite se transformer en tempête
planétaire.
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Critique
Depuis
le début des années 90, Mars est particulièrement
à l'honneur. Outre la trilogie de Kim Stanley
Robinson, de nombreux romans en ont, comme la NASA,
repris le chemin. Pourtant, peu de ces livres ont été
traduits, hormis précisément la saga de
Robinson, sans doute le récit contemporain le
plus naturaliste consacré à la planète
rouge.
Le
Livre de poche réédite L'Envol de Mars
de Greg Bear (1993). Et c'est bien de cela qu'il
s'agit, aussi démesuré que cela puisse
paraître. Tout d'abord, Bear campe un territoire
encore à peu près vierge, que l'homme
transforme lentement : thème américain
— témoignant de ce qui manque peut-être
aux États-Unis aujourd'hui, une nouvelle frontière.
Mais la réussite du roman tient dans le dépassement
du simple catalogue descriptif d'un autre monde.
L'univers
créé, solidement étayé,
n'occulte nullement le récit et ceux qui le font
avancer. C'est l'histoire future d'une planète
soumise à des forces exceptionnelles, certes,
mais aussi et surtout celle de ceux qui jouent avec
ces forces ou sont broyés par elles. C'est à
la fois un roman social (les structures martiennes si
différentes), un roman d'amour (une héroïne,
un héros), un roman politique (les tensions entre
la Terre et Mars), un roman scientifique (les découvertes
fondamentales sur les particules).
Si
le début semble peu SF, récit d'une idylle
au cœur d'une révolte, il est nécessaire
à la compréhension de la société
martienne et du conflit qui court entre les conceptions
qui doivent fonder l'État martien, entre jacobinisme
et anarchie libertaire tendance US. Il est également
nécessaire aux ressorts de l'intrigue, qui joue
sur l'éloignement et les retrouvailles de deux
protagonistes, Casseia Majumdar et Charles Franklin,
symboles de la défiance et de l'union entre le
scientifique et le politique.
L'Envol
de Mars n'est pourtant pas uniquement la peinture
d'une société, même anticipée,
bien que le roman développe la même histoire
du futur que La Reine des anges ou le récent
Obliques (Laffont). La SF y constitue bien davantage
qu'un simple décor. L'écologie martienne
réserve quelques surprises à celui qui
penserait avoir déjà tout lu, et le premier
époux de Casseia, Ilya, nous fait partager son
excitation face à ses découvertes sur
l'ancienne vie martienne. Charles Franklin, lui, traque
la structure de la matière et donne de nouveaux
enjeux à l'humanité. La puissance de la
logique quantique des penseurs (intelligences
artificielles) alliée à ses intuitions
lui ouvre l'envers de l'univers.
La
science devient un peu sortilège (les physiciens
contemporains parlent bien de particules « charmées »).
Ce sont ces découvertes qui dominent la seconde
partie du récit : Franklin touche
aux descripteurs mêmes des particules en maîtrisant
la matière-miroir, et modifie leurs caractéristiques
au niveau quantique : tout devient possible,
de l'énergie infinie aux communications instantanées.
Y compris « bouger Mars »
et faire trembler la Terre (voir apparaître Phobos
— la « terreur », évidemment —
dans son ciel doit faire réfléchir). En
pinçant le continuum de Bell, Franklin et ses
amis s'enfuient pour la banlieue d'une autre étoile !
Les
spéculations de Bear sont d'un haut degré,
et le roman est une réussite qui se mérite
— mais lorsque cet effort est consenti, il est
payant, car l'art du conteur transmet de l'enthousiasme
aux pires équations. On s'aperçoit alors
qu'on nous a fait le récit d'une perte d'innocence
juvénile (raison d'être, sans doute, du
prologue estudiantin) et du passage à l'état
d'adulte ascétique, non seulement des personnages,
mais d'une planète entière. Sans la moindre
concession aux sirènes de la facilité,
voici sans nul doute une belle réussite de science-fiction
exigeante.
Dominique
WARFA Première parution
: 1/9/1999 dans Galaxies n°14
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