Dixiéme Planète n°3 - Fev 2000Dans le n°3 de Dixiéme Planéte, magazine bimestriel consacré aux produits dérivés du cinéma, télévision et bandes dessinées (que je vous engage fortement à lire) j'ai découvert cet article de Jean-Marc Deschamps, talentueux maquettiste. J'ai eu le plaisir de le rencontrer personnellemnt ensuite lors d'une conférence au Musée du Bourget sur l'Espace et le cinéma ou je parlais de Mars (bien évidement).

 

Le Tripode Martien d'Edgar P. Jacobs
ou la Guerre des Mondes n'aura pas lieu !
par  
Jean-Marc Deschamps

VOUS CONNAISSEZ TRES CERTAINEMENT le célèbre roman de Herbert George Wells écrit en 1898 qui conte l'invasion de la Terre par les Martiens.
Je vais dès à présent vous livrer quelques secrets concernant l'élaboration de la maquette qui en a été tirée, au risque de démystifier un objet de collection qui faillit être commercialisé.

En 1946, pour les besoins du Journal Tintin fraîchement lancé, Hergé demanda à son ami Edgar Pierre Jacobs, futur auteur de Blake et Mortimer, de produire quelques planches en vue d'une adaptation de ce roman pour le magazine. Ainsi, Jacobs, par ses superbes dessins au fusain et au crayon Conté, fit naître en deux dimensions un des plus extraordinaires engins de science-fiction. Passionné par l'histoire et par les illustrations de Maître Jacobs, je me mis à l'oeuvre...
Par chance, les Éditions Dargaud rééditèrent ce roman de Wells accompagné de la totalité les illustrations de Jacobs. Une échelle de reproduction fut choisie : le 1/100e, en accord avec mes autres créations personnelles telles que le Train de Projectiles et le Nautilus de Jules Veme ou le Voltigeur Aérien de Robida. Jacobs fart partie de ces perfectionnistes qui fabriquent sous formes de prototypes les véhicules apparaissant dans leurs histoires afin d'avoir les proportions et les perspectives. L'Espadon et le Chronoscaphe en sont d'ailleurs les parfaits exemples. Malheureusement, il n'en fut nullement question pour le Tripode de La Guerre des Mondes et les nombreuses heures consacrées aux dessins ne se comptèrent plus lorsqu'il fallut " côter " définitivement les épures de construction.

De bonne guerre...
Le corps du Tripode fut la première pièce confectionnée. Originellement, elle devait être entièrement tournée dans du bois à partir des côtes si longuement recherchées. Quel ne fut pas ma surprise lorsque, au détour d'un stand de brocante, je mis la main sur la coiffe en laiton d'une ogive datant de la Première Guerre Mondiale, qui avait presque les dimensions requises! Cette " trouvaille " fut suivie par une autre : un oeuf en bois servant à repriser les chaussettes!
Eh oui! II faut savoir quelque fois tirer parti de ce que nous offre la providence, même si cela enlève un peu de magie (et de mythe) à votre travail. Mais bien vite, je m'aperçus que ça ne collait pas.
Je fis donc un moulage en résine de ces pièces hétéroclites et rectifiai le tout sur un tour, et ce, aux côtes que je m'étais fixées; non sans oublier que le monde de Jacobs est rempli de robots en forme d'oeuf (Les 3 Formules du Professeur Sato), et de véhicules en forme de boule (l'Enigme de l'Atlantide, le Piège Diabolique)!
La tête...
Si les " yeux" et les .. oreilles" ont été obtenus à partir de pièces uniques sculptées dans du bois et du métal, puis moulées de manière à conserver une symétrie parfaite (symétrie d'autant plus difficile à obtenir qu'elle se situe sur des formes arrondies), le panier à l'arrière, dans lequel les Martiens entassent les humains, a été sculpté dans de la mousse polyuréthane puis recouverte de résine époxy pour les finitions de surface. La taille en biseaux de profilés en bois et le rajout de billes au bon diamètre en nylon permirent d'obtenir le " Générateur de Rayon Ardent " fixe sur le côté droit du Tripode .

... et les jambes!
Les Tripodes se déplacent par bonds tournoyants et n'ont presque aucun équivalent terrien si ça n'est le fameux tabouret à trois pieds si commun dans nos campagnes. Et ne vous y trompez pas, Wells les décrit ainsi. Le passage à la troisième dimension ne fut pas aisé. La jambe fut divisée en quatre sections: cuisse - tibia - cheville et pied, chacun d'eux façonné soit dans du plexiglass (idéal pour l'état de surface), soit dans du bois. Tel fut le cas pour le pied qui fut tourné puis surmonté d'une fige de laiton agrémentée de deux billes aux dmensions adéquates, fournissant la " cheville" indépendante. Le " Générateur de fumée noire " porté par des tentacules en fil de fer métallisé est un tube de laiton détaillé à ses extrémités par des pièces usinées dans du plexiglass et du laiton, puis moulées en résine (il demeure ainsi sur le modèle défintif). Après quoi, chacune des pièces fut minutieusement contrôlée avant d'être multipliée par un, deux ou trois par moulage à partir d'un élastomère en silicone. L'ensemble du Tripode est en résine synthétique sauf les bras, les vérins et les chevilles qui sont moulés en métal à bas point de fusion (communément appelé " White Métal "). Toutes les pièces sont collées soit à la cyanolite, soit à la résine époxy bi-composants assurant une meilleure solidité des pattes particulièrement sujettes à la "casse" (Je sais maintenant que mes Tripodes de série n'auraient jamais pu résister au transport. même conditionnés correctement).
La peinture.
Wells décrit les Tnpodes comme des "engins de métal étincelants ", ce qui s'apparente à de l'aluminium Après avoir recouvert les pièces d'apprèt-mastic, plusieurs fines couches de peinture acrylique argentée vaporisée a l'aérographe sont venues embellir l'ensemble du Tripode. Puis, la décoration a été protégée par un vernis satiné brillant .
La lentille du générateur de Rayon Ardent est colorée en vert tandis que le canon à fumée noire est... noir satiné. II n'y a quasiment ni salissure ni vieillissement sur le Tripode, considérant ce dernier comme une représentation symbolique.
Conclusion
Cette version du Tripode a le mérite d'avoir été imaginée par un des plus grands dessinateurs de l'école belge à partir d'un des romans de science-fiction les plus extraordinaires. Pour ces raisons, la reproduction du Tripode Martien de Jacobs mérite sa place dans la décoration de toute bibliothèque qui se respecte.
Et il est bien dommage que cette commercialisation ne se soit pas réalisée comme l'avait prévu l'auteur de cet article. En effet, pour des raisons tant professionnelles que pratiques, il a été impossible de mener à bien ce projet. Peut-être que cela n'aurait intéressé " guère de monde "!

Pour de plus amples renseignements veuillez écrire à :
Nemotechnik
BP 42
92216 Saint-Cloud  Cedex

© Dixiéme Planète - Févrie-Mars 2000
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