Seuls
les studios de Churubusco près de Mexico permettent
la construction de plateaux comportant des fonds bleus
de ces dimensions.L'emploi du fond bleu est primordial
dans Total Recall. Toutes les incrustations des paysages
martiens, des peintures sur verre, sont le fruit des
gigantesques toiles montées par les techniciens de Dream
Quest Images, société dirigée par Eric Brevig. Le fond
bleu est néanmoins source de problèmes a priori insurmontables
; le moindre reflet, y compris dans les cheveux, peut
révéler la supercherie de l'effet spécial. A l'écran,
un trou se creuse alors dans l'objet, lequel peut devenir
ainsi complètement invisible. La couleur rouge est le
fruit de longues recherches menées par Eric Brevig et
aussi un compromis entre la réalité scientifique et
des besoins plus esthétiques. Des caméras d'une haute
précision, dont les déplacements étaient enregistrés
par une mémoire informatique, permettaient une parfaite
interactivité entre personnages, décors, miniatures,
et peintures sur verre.


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Le
Poids du Bottin

Total Recall est-il un film
à effets spéciaux ? Paul Verhoeven s'en défend, Arnold
Schwarzenegger s'en défend... Et pourtant Total Recall
regorge d'effets de la première à la dernière image.
De l'immense écran vidéo de l'appartement du héros à
l'horizon martien passant du rouge pourpre au bleu Caraïbes,
le film accumule une quantité impressionnante de peintures
sur verre, de maquillages monstrueux, d'effets calculés
par ordinateur, d'explosions à grande échelle, de décors
volant en éclats... Il est rare qu'un plan ne comporte
pas un trucage. Mais Paul Verhoeven sait magnifiquement
intégrer la performance technique à une histoire sans
jamais tomber dans le démonstratif, dans les excès complaisants
où maquilleurs et spécialistes des modèles réduits braillent
leur nompar images interposées. Les effets spéciaux
de Total Recall doivent leur efficacité à la modestie
de leur responsable, Rob Bottin. Le maquilleur le
plus en vu d'Hollywood n'est plus un simple employé
à qui le metteur en scène dicte ses dix volontés. Engager
Rob Bottin, c'est aussi se risquer à des critiques sur
des pans entiers du scénario.Sur Total Recall, il ne
s'est vraiment pas gêné. L'épisode d'Arnold passant
la douane martienne caché dans une carcasse de grosse
mégère, Johnny Taxi, l'apparition du meneur de la rébellion,
Kuato, contre le dictateur Cohaagen, le faux bras de
Benny... Rob Bottin apporte sa marque, sa signature
aux épisodes les plus marquante du film. Que l'on aime
ou pas le film, son travail paraît inestimable. Inestimable
même lorsqu'il s'agit de grimer le plus simplement du
monde une jolie femme de façon à en faire un monstre.
Facile aussi de falsifier une gamine toute mignonne
en lui prêtant un oeil aussi coulant qu'un oeuf poché...
Mais aux effets les plus évidents, aux prothèses de
latex mille fois vues, Rob Bottin impose une originalité
permanente. De la mégère dont le visage se fend en lamelles
pour dévoiler son "locataire" à ce bébé monstrueux
et suprêmement intelligent qu'est Kuato, Rob Bottin
pèse lourd dans Total Recall. Lorsqu'il cède à la pression
du gore, c'est aussi pour se permettre des effets spéciaux
directement influencés par le dessin animé. Des yeux
sortant de leurs orbites comme s'ils étaient montés
sur ressort, une gueule bouffie, une langue énorme...
On se croirait face à Woopy, le loup dragueur d'une
multitude de Tex Avery. Si les maquillages virtuoses
orchestrés par Rob Bottin font merveille, les effets
spéciaux visuels souffrent parfois de quelques carences,
l'aspect maquette étant immédiatement perceptible, lors,
surtout du plan foireux d'un vaisseau virevoltant dans
l'espace. Des détails en comparaison de la réussite
des trucs facétieux mis au point par Rob Bottin et son
staff. Soucieux d'élargir son registre et de quitter
la science-fiction, le gore et même le fantastique,
ce dernier prépare actuellement les effets spéciaux
du Festin Nu de David Cronenberg.
© Marc TOULLEC, Impact n°29,octobre
1990
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