EXCLUSIVITE
" SATELLITE " UN COIN DE VOILE
SE LÈVE De notre
envoyé spécial au Nevada : Bruno K. CHEGGAS
1er Mars. - Je viens enfin d'apprendre le nom qui est
à l'origine de cette colossale entreprise que
représente l'envoi d'un appareil occupé
par plusieurs passagers sur la planète Mars,
QUIP, le célèbre magazine américain
qui a financé entièrement le projet. Durant
plus d'un an au coeur du sauvage désert de Ralston
dans le Névada, l'ingénieur atomiste de
réputation mondiale Grégo BANSHUCK (dont
peu de gens savaient qu'il était aussi un pilote
émérite) travailla sans répit vingt
heures par jour assisté de 22 physiciens et professeurs
qui avaient tous juré le secret absolu. Installés
dans cinq hangars de fortune, à air conditionné,
qui servaient à la fois de logement et de dépôt
pour le matériel, ils mirent au point les détails
du premier vaisseau interstellaire terrestre. Bien que
financée par QUIP l'affaire ressortait également
du domaine Gouvernemental en raison de l'extrême
importance des recherches entreprises. J'ai pu apprendre
que le Gouvernement avait apporté un appui précieux
en organisant un pont aérien - une liaison spéciale
d'hélicoptères de l'U.S. Air Force qui
se chargea de ravitailler les savants en vivres et fournitures
techniques diverses. En vertu d'un accord secret,
il semble bien que le Département de la Défense
ait obtenu l'exclusivité de la construction de
tous les astronefs qui suivront le prototype en échange
du précieux carburant atomique dont BANSHUCK
avait besoin. Pour des raisons que vous comprendrez
aisément, il ne m'est pas possible de vous donner
encore de détails précis sur la propulsion
de l'engin, ni sur la nature exacte du carburant employé
qui restent du domaine du secret militaire. Au cours
d'une conférence de presse qui a eu lieu il y
a une heure à peine, nous avons eu droit à
quelques explications générales qui vont
me permettre de vous donner une description schématique
de l'appareil.

Baptisé Mars
1, il a la forme d'un
dirigeable. De la coque lisse, ne dépassent que
les tuyères d'éjection au nombre de trois
et les antennes radar. Mars 1 est entièrement
construit en titamagnésium 4 à l'exception
de 24 hublots de quartz d'une épaisseur de cinq
centimètres environ. Longueur totale de l'engin
: environ 20 mètres. Diamètre : 4 mètres
10. Il pesait au départ, équipage compris,
environ 52 tonnes. Sans conteste, la partie la plus
intéressante la plus étonnante et la plus
ingénieuse de ce vaisseau est la réalisation
de Grego BANSHUCK provisoirement dénommée
gravitateur négatomique. Quelques mots d'explication
sont nécessaires ici. La plupart de nos lecteurs
savent que l'équation d'Einstein E = Mc 2 a pour
signification que l'énergie contenue dans n'importe
quelle particule de matière est égale
à la Masse du corps en question mesurée
en grammes et multipliée par le carré
de la vitesse de la lumière. Pour donner un exemple
concret au profane on peut traduire ainsi cette équation
: deux livres de charbon entièrement transformées
en énergie donneraient 25 milliards de Kilowatts-heure
de courant électrique, plus de courant que n'en
peuvent produire en 60 jours de travail toutes les centrales
des Etats-Unis. L'équation d'Einstein prouvait
également que l'énergie possède
une masse. C'est là qu'intervint BANSHUCK en
réalisant un appareil qui transforme constamment
l'énergie en masse. Supposons qu'une sphère
engendre et expulse à grande vitesse un courant
constant de masse, elle subirait une réaction
considérable comparable par exemple à
celle d'un canon de dix pouces tirant à grande
vitesse un projectile du poids de l'Empire State Building.
On comprend aisément que le recul serait fantastique.
C'est un principe analogue qu'utilise Mars 1, principe
qu'on ne saurait comparer d'aucune manière à
la propulsion d'une fusée. L'efficience du gravitateur
en comparaison est de 1 pour 1.000.000. Dans l'appareil
conçu par BANSHUCK, le poids du combustible qui
représentait les neufs dixièmes de toutes
les fusées imaginées jusqu'alors, est
inférieur à un centième. Détail
curieux : les particules éjectées ne sont
ni rouges, ni incandescentes. Ce sont de petites boules
de la taille d'un plomb de chasse, CHACUNE DE CES BOULES
PESANT PLUSIEURS CENTAINES DE TONNES, mais seulement
à l'éjection. Elles ne restent solides
que moins d'un millième de seconde avant de devenir
radiation. En somme, il s'agit ici d'une réaction
en chaîne comparable à une bombe atomique
inversée. On ne sait pas grand chose encore
au sujet des performances véritables dont est
capable cet astronef. J'ai appris par une indiscrétion
d'un correspondant anonyme qu'un certain nombre de vols
d'essai avaient eu lieu en 1958, vraisemblablement trois.
Où, comment? C'est encore un mystère.
Ce qu'il y a de certain, c'est que Mars 1 prit son vol
pour le grand saut le 20 Janvier. En fait il semble
bien que plusieurs observatoires terrestres aient enregistré
le fait, en particulier un observatoire allemand qui
signala la présence d'un corps insolite qu'il
prit pour un nouveau satellite soviétique. L'objet
ayant disparu très vite, personne ne s'en préoccupa
; en dépit des démentis venus de l'autre
côté du rideau de fer, l'opinion mondiale
pensa qu'il s'agissait d'un essai raté. J'ai
interrogé plusieurs sommités scientifiques
pour savoir si la date choisie avait une signification
astronomique particulière, mais il apparaît
que non. Le départ définitif pour ce qu'on
a bien voulu nous en dire eut lieu de nuit à
23 heures 15 minutes 10 secondes. Des stations spécialement
équipées ont pu garder le contact radio
avec l'appareil 24 heures sur 24 et le contact radar
de contrôle 14 heures par jour environ en raison
de la rotation terrestre. On nous a appris que le
trajet était calculé pour durer 49 jours.
Mais un léger incident retarda de vingt-quatre
heures l'arrivée de la fusée sur Mars,
un météorite ayant endommagé un
réacteur de la dynamo atomique. Le 28 Février
arrivait à la station le dernier message envoyé
avant l'atterrissage " Prendrons contact avec
le sol martien demain à 14 heures près
de Syrtis Major. Grego BANSHUCK. " Nos
lecteurs savent la suite. Je n'ai pu me procurer d'autres
informations pour le moment, mais en revanche j'ai obtenu
les premières impressions exclusives de Grego
BANSHUCK sur son arrivée sur Mars ainsi que sur
la vie telle qu'elle se passe là-bas. On
trouvera dans la suite l'essentiel de ces informations.
BRUNO K. CHEGGAS. tous
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