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GUERRE
AUX MARTIENS ( Martian Guns
) de Stanley D. Bell Wonder Stories - Janvier
1932 , traduction de J.M.G.
le texte entier:
guerre.doc (155Ko) ou guerre.txt
(104Ko) |
CHAPITRE
1 DESTINATION LUNE
Les clameurs assourdissantes de la foule s'arrêtèrent
subitement. Halliday avait fermé les sabords de l'astronef,
isolant l'équipage du monde extérieur. Les huées
qui se mêlaient aux acclamations venaient maintenant s'écraser
contre les murs de cette prison humaine. La Flamme, premier navire
interplanétaire, était prête à appareiller
pour l'espace. Halliday, un homme mince et énergique,
se tourna vers le petit groupe de passagers qui le regardaient avec
anxiété. Il les passa rapidement en revue. Parker,
Benedict, Perkins, Clayton, Morse et Landay allaient tenter avec
lui cette extraordinaire aventure. Soudain, son regard s'arrêta.
- Où est Vincent ? demanda-t-il. - Dans la chambre des
pompes. Il vérifie les moteurs, répondit timidement
Morse, le petit cuisinier de l'astronef. - Parfait. Chacun à
son poste. Sans un mot, les six hommes s'installèrent
dans les hamacs capitonnés de la chambre de contrôle
et bouclèrent leurs sangles. Halliday, les traits crispés,
se pencha sur le tableau de bord et vérifia les jauges, jetant
un coup d'oeil inquiet sur le chronomètre électrique.
- Encore huit minutes, grommela-t-il. Nerveusement, il s'approcha
d'un hublot, fit pivoter la plaque de quartz et parcourut du regard
la grande plaine plongée dans une demi-obscurité,
où des dizaines de milliers de personnes attendaient fiévreusement
que la Flamme s'élançât vers le ciel. Le
travail épuisant qu'avait exigé la construction de
l'astronef, les expériences sans cesse reprises, les essais
risqués, tout cela était enfin fini. Un jeu effroyablement
dangereux allait se passer dans l'espace. Quelles chances avait-il
de son côté ? Même s'ils parvenaient à
vaincre les dangers de ce voyage, s'ils réussissaient à
se poser sur la lune, il y avait encore cette menace à affronter...
II valait mieux ne pas y songer. Que pouvaient bien penser de
lui ces foules excitées ? La presse l'avait assez couvert
de ridicule. Son expédition était la risée
du monde entier... Lui et ses compagnons étaient des fous,
entendait-on partout. Et ces' gens riaient. Ils auraient ri de plus
belle s'ils avaient su pourquoi ces huit hommes allaient risquer
leur vie. C'était pour eux que cette incroya ble expédition
avait été montée, pour ces inconscients...
II referma avec impatience le hublot sur cette foule hurlante et
railleuse. De nouveau il se retourna pour faire face aux visages
tendus de ses compagnons. Solidement amarrés à leur
hamac, ils restaient: silencieux, les yeux fixés sur lui.
Il tenait leur vie entre ses mains. Désormais, il suffirait
d'une seconde d'inattention, du plus léger retard, d'une
hésitation pour que to ' périssent inévitablement.
Halliday revint vers le tableau de bord pour éviter les regards
inquisiteurs de ses compagnons, se pencha pour la dernière
fois sur 1 diagrammes, puis décrocha un téléphone
placé à côté de son hamac. Une voix étouffée
lui répondit - Ici Vincent. - Ici Halliday. Dites-donc,
mon vieux, il faut revenir. Il est l'heure de démarrer.
- Eh bien, allez-y, répondit Vincent laconiquement. Je vais
servir de la couchette de secours. Je vous rejoindrai quand nous
sero dans l'espace. Halliday grommela une réponse et
s'installa avec soin dans hamac. Ajustant les courroies, il fit
en sorte de garder les mains lib pour pouvoir atteindre les tabulateurs
et les leviers du tableau de bord,' Après avoir réglé
le périscope installé juste devant lui et qui de '
lui donner une image de la terre, Halliday respira profondément
et rallongea. Le moment du départ était arrivé.
Le travail de plusieurs années allait se jouer dans quelques
secondes. Halliday ne quittait plus le chronomètre des yeux.
Et à l'instant précis où l'aiguille des secondes
atteignit le haut du cadran, à huit heures et demie. Halliday,
d'un geste précis et',, déterminé, poussa d'un
cran le levier de démarrage. Ce fut pour les occupants
de la Flamme comme s'ils avaient pris place à l'intérieur
d'un énorme obus. Ils se sentirent projetés dans la;
vide avec une violence inouïe, tandis qu'un poids invisible
les opp sait progressivement. Respirant à peine, Halliday
poussa le levier au second cran... puis su troisième... au
quatrième... accélérant la combustion dans
les réacteurs de l'astronef qui chaque seconde les éloignait
du centre de gravitation de la terre. La poitrine contractée,
percevant à peine les gémissements étouffés
de ses amis, Halliday poussa le levier au dernier cran. Il donnait
ainsi le maximum de sa puissance, lançant désespérément
l'astronef pour échapper à l'attraction terrestre.
Au-dessus de sa tête, les aiguilles des cadrans semblaient
immobiles, encore bien loin des points de repère marqués
en rouge. Pourtant il fallait atteindre cette petite ligne rouge
à tout prix, sinon ils retomberaient lentement, inexorablement...
pour s'écraser, épave carbonisée, sur la surface
de la terre. Insensible à la douleur, Halliday rassembla
toutes ses forces et poussa le levier à fond. La flèche
d'un cadran pivota lentement jusqu'à la ligne rouge et n'en
bougea plus. Exténué et frissonnant dans un bain
de sueur froide, il retomba dans son hamac comme une masse. Des
petites taches lumineuses dansaient devant ses yeux - rouges, verts,
jaunes ; tout vacillait dans la cabine. Des images fantasques et
fuyantes se mirent à tourbillonner dans son cerveau. Enfin,
avec une grimace de satisfaction, il sentit tous ses muscles se
détendre. Halliday sombra dans l'oubli. Pendant que les
occupants de la Flamme gisaient à demi-inconscients dans
leur hamac, épuisés par les rigueurs de cette lutte
inégale, quelque créature indiscrète du monde
interplanétaire aurait pu se demander comment ces hommes
si divers se trouvaient réunis pour tenter une excursion
aussi hasardeuse dans l'inconnu. Ils étaient là,
étendus le visage blême, les mains machinalement agrippées
à leur hamac. Six hommes, venus des milieux les plus différents,
unis dans une aventure qui avait provoqué l'hilarité
et l'admiration de la terre entière. Il y avait David
Halliday, chef de l'expédition. L'astronef était le
résultat des rêves de son père. Ce dernier,
pendant de nombreuses années, avait passé ses jours
et ses nuits sur d'innombrables projets. Le fils du vieux savant,
David, avait continué l'oeuvre de son père, mettant
toute sa jeunesse et son énergie à réaliser
cette vieille ambition : créer un moyen de communication
interplanétaire. David, comme son père, s'était
heurté pendant ses années d'étude à
l'incrédulité et aux railleries. II avait fallu cet
événement étrange pour que Halliday, apprenant
la terrible menace que la lune faisait peser sur la terre, construisît
ce monstre d'acier d'une puissance incroyable. C'était
Bénédict, allongé près de Halliday,
les yeux fermés et la bouche grande ouverte, qui avait joué
sa fortune dans cette étrange aventure. Bénédict,
l'homme du monde, le coureur de femmes, le sportsman qui avait déclaré
publiquement que " la terre n'avait plus d'attraits pour lui
". II était maintenant affalé, impuissant dans
son hamac, au coeur d'une aventure qui dépassait tout ce
qu'il avait pu rêver. A l'exception de Floyd Parker, astronome
adjoint à l'observatoire de Kingsley, le reste de l'équipage
se composait des hommes les plus différents que les hasards
de la vie peuvent parfois rassembler. Leur humeur aventureuse, et
surtout l'admiration, les avaient attirés dans cette entreprise
gigantesque. Ces hommes, Halliday les avait choisis parmi des milliers.
II y avait Perkins, qui avait avoué avoir été
en prison pour vol : mais c'était un mécanicien de
génie. Le gros Rob Clayton, champion d'aviation avec cet
air traqué qui ne le quittait jamais. Le petit Morse, cuisinier
de l'astronef ; il avait assuré à Halliday qu'il préférait
affronter plutôt les dangers de l'espace que sa femme, dont
il ne pouvait se débarrasser. Ken Landay, ancien interne,
dont le visage ressemblait à celui d'une vieille fille revêche.
Et Vincent ,qui avait exigé d'être payé pour
risquer sa vie dans " cette histoire insensée Sauf
Vincent, perdu dans les profondeurs de l'appareil, les six hommes
luttaient actuellement pour sortir de cette semi-inconscience dans
laquelle ils avaient été brutalement plongés.
Tel un cercueil d'acier, la Flamme, à cinq mille kilomètres
de la terre, glissait dans le silence le plus absolu vers le mystère
et l'infinité des espaces interstellaires. Clayton fut
le premier à se réveiller. Il gémit doucement,
tira encore endormi sur ses sangles, puis ouvrit des yeux étonnés.
Il regarda autour de lui en étirant ses grands bras, et comprenant
tout à coup la signification de ce silence, déboucla
ses sangles. Il enfila avec soin ses chaussures métalliques,
s'assura que le plancher avait été magnétisé
et, encore chancelant, s'approcha de Halliday toujours immobile.
Avec ses grosses mains, il se mit à lui frictionner délicatement
les tempes jusqu'à ce qu'une étincelle de vie apparut
dans les yeux de l'homme inconscient. Dans la cabine métallique,
des hommes ça et là reprenaient connaissance. Halliday
se dressa sur son séant et remercia Clayton du regard. Ce
dernier hocha la tête en silence et regagna sa place. Jetant
un coup d'oeil sur l'indicateur de vitesses, Halliday resta pensif
un instant, puis, satisfait, se tourna vers ses amis. - Pas
de casse? - Ça va, merci. - Tout va bien. - Jusqu'à
présent... Halliday lâcha un sourire, puis se pencha
sur le périscope. Flottant dans une mer d'encre, la terre
lui apparut comme une grosse boule tachetée, toute enveloppée
de vapeurs. - Venez voir, messieurs les explorateurs, cria-t-il
aux autres, venez admirer votre ancienne demeure. L'équipage
se pressa autour de l'oculaire. Brusquement. Halliday se souvint
de Vincent. - Surveillez le tableau de bord, Clayton, dit-il
à l'ancien aviateur, je vais faire un tour d'inspection.
Clayton fit signe qu'il avait compris et Halliday s'engouffra dans
le petit couloir de métal qui conduisait à la chambre
des machines. 1l ouvrit la porte et se trouva dans une pièce
où de gros conduits sillonnaient le plafond. Près
du tableau de commandes qui occupait tout le mur du fond, Halliday
aperçut Vincent, toujours inconscient dans la couchette de
sécurité. S'approchant de lui, il s'arrêta,
stupéfait. Ce n'était pas Vincent... Il se précipita
près de la couchette et resta paralysé par l'étonnement...
Dans la couchette dormait paisiblement une jeune fille, la bouche
entrouverte. Nina Wingate 1 Sur son visage reposé flottait
un vague sourire. Halliday ne s'attendait pas à retrouver
dans le ciel une personne pour qui il avait si peu de sympathie
sur terre ! Il ouvrit la porte et cria dans le couloir -
Parker, Parker ! C'était bien à lui à s'en
occuper. Ce garçon aux airs efféminés la courtisait
depuis longtemps, toujours en train de lui mendier une faveur.
Laissons-lui l'honneur de la ranimer s, pensa-t-il en ricanant.
Halliday était furieux du tour que venait de lui jouer Nina,
si furieux que lorsque Parker fit irruption dans la pièce,
il désigna d'un air indifférent la jeune fille inconsciente.
- Si vous voulez vous occuper de cela, Parker .... dit-il à
l'astronome ébahi. Puis il quitta la pièce. De
retour dans la salle de contrôle, Halliday prit Benedict à
part. Ce dernier avait maintenant regagné son sang-froid.
Son allure d'homme du monde, séduisant et blasé, avait
repris ce pli légèrement désinvolte. Il se
pencha d'un air amusé pour écouter Halliday. -
Mademoiselle Wingate est parmi nous, chuchota Halliday. Benedict
maîtrisa admirablement sa surprise, et répondit tout
bas d'un air gouailleur - Huit hommes et une femme sur un bateau.
- Sept, répliqua Halliday. A présent, tout s'éclaircissait.
Vincent avait vendu sa place à Nina. II ne s'étonnait
plus de les avoir un jour surpris à chuchoter dans un coin
du hangar. - Voyez ce que vous pouvez faire, Benedict, dit Halliday
à voix basse. Mais ne troublez pas de doux entretiens.
Benedict acquiesça en souriant, resta un moment songeur puis
se dirigea vers la porte. Halliday reporta son attention sur
le tableau de bord. D'après l'indicateur des distances, l'astronef
avait maintenant franchi douze mille kilomètres sur les trois
cent soixante quatre mille qu'ils avaient à parcourir pour
atteindre la lune. Morse avait déjà disparu pour
préparer le premier repas dans l'espace. Landay et Clayton,
qui s'étaient pris d'amitié, regardaient pen. sivement
à travers l'un des hublots. - Je peux faire quelque chose,
monsieur? demanda Perkins. Halliday secoua la tête. II
avait une profonde affection pour ce petit bout d'homme, cet ex-détenu
dont l'ingéniosité l'avait si souvent tiré
d'embarras pendant la construction de l'appareil. Il lui tapota
l'épaule. - Allez vous reposer, Perk, dit-il. Nous aurons
bientôt assez de travail. Et dépliant les nombreuses
cartes qui devaient guider sa route dans l'espace, Halliday se plongea
dans l'étude d'un diagramme. Deux heures se passèrent,
pendant lesquelles la terre se retira peu à peu sur son fond
de velours, avant que Nina ne fît son apparition. Entre
temps, une certaine routine s'était établie à
bord de l'astronef. Perkins avait été chargé
de vérifier les moteurs pour suppléer à l'absence
de Vincent. Le gros Clayton s'occupait de la navigation, guidé
par les diagrammes de Halliday. Landay rédigeait le livre
de bord. Benedict s'était rapidement habitué au
manque de confort de l'astronef. Durant la dernière demi-heure,
ce grand chasseur de femmes et de tigres avait régalé
le petit Morse, muet d'admiration, de ses histoires les plus savoureuses.
Parker s'activait autour du petit télescope, à l'affût
de signaux possibles en provenance de la terre. Nina entra dans
la salle de contrôle et s'avança vers Halliday.
- Me voilà, capitaine, dit-elle avec grâce. Halliday
s'était attendu à la voir apparaître la honte
sur le visage. ,Pendant quelques secondes il resta interloqué,
puis éclata. - Vous avez presque ruiné nos plans!
Nina répondit avec un sourire enchanteur. - Oh, vous
savez bien que non. Je vous avais dis avant que nous partions que
j'étais aussi capable que vos hommes. Mais vous vous êtes
obstiné à ne pas vouloir de moi... Je suis venue tout
de même. Halliday était forcé d'admettre
que les prétentions de Nina, en ce qui concernait ses capacités,
étaient justifiées. Elle était fort capable
de faire le travail d'un homme. Car Nina Wingate était non
seulement astronome, mais aussi mécanicienne. Mais elle n'aurait
pas dû être là, lui dit-il platement. La
surprise du reste de l'équipage avait bientôt fait
place à de la bonne humeur. Mais Halliday coupa net les explications
de la jeune fille. Après tout, il restait des questions autrement
importantes à régler. II considéra ses
compagnons. A l'exception de Benedict et de Parker - et maintenant
de Nina, aucun d'entre eux ne connaissait la véritable raison
de ce voyage. Ils étaient tous persuadés, comme on
le croyait sur la terre, que cette expédition n'était
qu'un essai de navigation dans l'espace. avec la lune pour objectif.
Qu'un groupe d'hommes tout simplement courageux et un peu fous avait
résolu de parvenir jusqu'à notre satellite. -
Messieurs, dit Halliday brusquement. Tous se tournèrent
vers lui. - J'ai une petite histoire à vous raconter,
continua-t-il. Se tournant vers l'ancien champion d'aviation : Voulez-vous
surveiller les commandes, Clayton ? Vous pourrez tout aussi bien
m'écouter. Clayton acquiesça pendant que les hommes
échangeaient des regards interrogateurs. Y avait-il quelque
chose qui n'allait pas ? Allaient-ils retourner sur terre ?
- Ce petit voyage n'est pas une simple expédition dans l'espace.
La raison pour laquelle nous devons atteindre la lune est beaucoup
plus grave, je devrais même dire sinistre.
CHAPITRE II UNE HISTOIRE
INCROYABLE
II y eut un silence pendant lequel les membres
de l'équipage se regardèrent perplexes. Seule Nina,
contemplant Halliday avec des yeux radoucis, ainsi que Benedict
et Parker, était au courant de la situation. Mais ce dernier
affichait un air incrédule et railleur, ce que Halliday ne
manqua pas de remarquer. - Je sais que vous n'y croyez pas,
Parker, dit Halliday en réponse à ses regards. Mais
nous serons bientôt à même de découvrir
la vérité. Messieurs, continua-t-il en se tournant
vers les autres, nous devons nous poser sur la lune pour la raison
suivante. Il est presque certain qu'une colonie de Martiens s'y
est installée, avec la ferme intention de balayer notre race
de la surface de la terre. ' On entendit distinctement au contrôle
Clayton avaler sa salive, regardant distraitement Landay dont le
visage était devenu blême. Morse souriait nerveusement,
tandis que Perkins, bouche bée restait immobile devant son
chef. - C'est inutile de me regarder ainsi, dit Halliday. Je
ne suis pas fou. D'après les renseignements fournis par les
services de l'observatoire de Kingsley, dirigé par le père
de mademoiselle Wingate, nous sommes quasiment sûrs qu'une
colonie de Martiens s'est établie sur la lune. II est également
très probable que ces Martiens ont déjà commencé
à bombarder la terre. Et tandis que six hommes et une
femme, enfermés dans leur petite prison de métal,
écoutaient la plus ahurissante des histoires, l'astronef
poursuivait sa course vers un satellite mort, se rapprochant rapidement
de son dangereux objectif. Ayant retrouvé son calme,
Halliday dévoila à ses amis les événements
qui avaient déterminé la construction de la Flamme.
Il raconta comment un vieil ami de son père, John Wingate,
doyen de l'observatoire de Kingsley, l'avait invité un soir
d'automne pour examiner la pleine lune avec le nouvel objectif de
l'observatoire. Quand Halliday eut observé à loisir
les chaînes dentelées, les cirques laiteux, Wingate
l'avait pris à part et lui avait confié l'histoire
stupéfiante qui était à l'origine de cette
expédition. Halliday avait été bouleversé.
Son projet de véhicule interplanétaire, première
fusée capable d'être lancée dans l'espace et
de revenir, avait jusqu'alors été son unique préoccupation.
Mais tous ses plans lui parurent sans importance et ridicules lorsqu'il
apprit qu'une force inconnue menaçait la terre entière.
Wingate lui avait patiemment expliqué comment quatre ans
auparavant, lors de la dernière opposition de Mars avec la
terre, les deux planètes étant le plus rapprochées,
il avait aperçu au bord du cercle lunaire comme de petits
éclats de lumière. Ceux-ci semblaient provenir de
la réflexion du soleil sur des objets de métal. Deux
jours plus tard, Wingate avait observé de très légers
changements sur la surface de la lune, près du cirque d'Archimède.
La lune était indubitablement le théâtre d'une
activité quelconque. Puis, brusquement, les changements cessèrent.
Ce n'était qu'après avoir observé la lune pendant
deux années, en fait jusqu'à l'opposition suivante
de Mars, que Wingate avait eu l'occasion de vérifier une
théorie si incroyable, qu'il se demandait s'il n'était
pas devenu fou. Il avait aperçu une nuit, lors d'une
autre opposition de la terre avec Mars, de nouveaux éclats
de lumière sur le cercle lunaire. Il n'en croyait pas ses
yeux. Cette fois-là. ce n'était pas une douzaine,
mais presqu'une centaines de petites taches qu'il avait remarquées.
Presqu'aussitôt après, de nouveaux changements étaient
devenus perceptibles dans la région du cirque d'Archimède.
Tels étaient les faits que deux ans auparavant Wingate avait
communiqués à Halliday. Et ce dernier, malgré
l'impatience qu'il avait de construire un astronef. et malgré
sa clairvoyance habituelle, n'osait s'avouer les raisons qui le
poussaient, ni demander à Wingate ses conclusions. Mais un
jour Wingate avait pris les devants. II avait sorti du tiroir de
son bureau un éclat de métal bleuté, d'environ
cinquante centimètres, et l'avait placé devant Halliday.
- Un météore est tombé dans le Kansas, il y
a une semaine, lui avait déclaré Wingate, et voici
ce que j'ai trouvé. Le météore en flammes,
avant de s'abattre dans une plaine isolée du Kansas, n'était
pas passé inaperçu. Plusieurs astronomes s'étaient
immédiatement rendus sur les lieux, avec Wingate en tête.
D'un volume sensiblement égal à un mètre cube,
le météore s'était profondément enfoncé
dans le sol. Et tandis que les astronomes s'occupaient déjà
de le faire enlever, afin de le placer dans un de nos muséums,
Wingate, intrigué par l'aspect inhabituel du métal,
s'était pris à la recherche d'un objet qu'il pensait
découvrir aux alentours du point de chute. Ce morceau de
métal bleuté était sa récompense.
Plusieurs semaines de calculs s'ensuivirent pour le vieil astronome.
Quand il eut enfin terminé, il déclara à Halliday
et à Parker sa conviction que le météore était
un projectile lancé par un canon de très grandes dimensions.
Que ce canon était situé sur la lune et que les assaillants
venaient de la planète Mars. Malgré l'incrédulité
de Parker et les hésitations de Halliday, Wingate, engageant
sa réputation, avait persuadé le président
des Etats-Unis de former une commission pour enquêter sur
ce qu'il pensait être c un événement grave y.
Mais les membres de la commission avaient démissionné
peu de temps après, faisant part, à termes couverts,
de leurs doutes sur l'état de santé du professeur
Wingate. Qu'une autre forme de vie parcourût la distance de
Mars à la lune, construisît un canon gigantesque puis
décidât de bombarder la terre, dépassait tout
ce qu'un jugement sain pouvait concevoir de vraisemblable. Quelques
semaines après la dissolution de la commission, on proposa
même de destituer Wingate de son poste de directeur de l'Observatoire.
Et ces pressions ne cessèrent qu'après sa promesse
de garder le silence sur cette affaire. Ainsi tout semblait
devoir en rester là, jusqu'au jour où Nina, Halliday
à contre-coeur le reconnut, en parla au milliardaire Benedict.
Benedict, en quête de nouvelles aventures, offrit négligemment
plus de la moitié de sa fortune. Halliday, sans plus tarder,
s'était mis au travail. - Voilà tout ce que j'avais
à vous dire, conclut Halliday. Notre voyage a pour but de
découvrir la signification des phénomènes observés
par Wingate. Si son hypothèse est vérifiée,
c'est-à-dire si nous trouvons effectivement des êtres
qui sont en mesure de bombarder la terre, alors adieu la race humaine.
Dans le cas contraire..., dit-il en se forçant à sourire,
nous aurons fait un voyage agréable. Les auditeurs de
Halliday n'avaient laissé paraître dès le début
qu'éton nement et incrédulité. Mais vers la
fin de son récit, l'incrédulité avait fait
place à la suspicion. Nina sentit immédiatement
que le discours de Halliday avait produit l'effet qu'il craignait.
Elle rompit le silence. - Ce que M. Halliday vient de vous raconter
est parfaitement exact. Les convictions de mon père, pour
incroyables qu'elles paraissent, sont étayées par
des années de recherches. Et je suis persuadée qu'il
a raison. - Dites-donc... protesta Parker. - Pas la peine,
Parker, interrompit Halliday. C'est toujours moi qui commande. Il
se tourna vers les hommes : I1 est vrai que je vous ai trompés
en vous proposant une expédition dont vous ne saviez pas
le but. Mais il m'était absolument impossible de tout vous
dévoiler avant le départ. Si l'un d'entre vous estime
que le jeu n'en vaut pas la chandelle, il n'a qu'à parler.
Je ferai en sorte qu'il reste en sûreté. Le silence
était complet dans la cabine. Benedict fut le premier à
parler, avec son assurance habituelle. - Vous savez que nous
sommes avec vous jusqu'au bout, Halliday. - Moi aussi, dit Perkins,
rougissant. - J'en suis, grommela Clayton. - Comptez sur
moi, dit tranquillement Landay. - Ne m'oubliez pas, fit la petite
voix de Morse. Tous les regards se tournèrent vers Parker,
qui n'avait encore rien dit. - Je veux faire mon possible, bien
entendu, bredouilla-t-il. Mais je pense que tout ceci n'est qu'un
rêve insensé, ajouta-t-il en se tournant vers Halliday.
Floyd, dit Nina en essayant de le calmer, nous nous sommes maintenant
tous engagés. Autant laisser agir Halliday comme il l'entend.
Naturellement, Halliday, dit-elle en s'adressant à
me je tiens à ce que vous me comptiez parmi vos hommes.
Halliday ne répondit pas. Il se tourna vers le tableau de
bord et vérifia l'indicateur des distances. - Eh bien,
messieurs, dit-il calmement, il nous reste encore quatorze heures
avant d'arriver. Vous n'avez rien de spécial à faire.
D'ici là j'aurai sans doute mis sur pied un plan d'opérations.
Les uns retournèrent à leur couchette, d'autres vaquèrent
à leurs occupations. Halliday se replongea dans ses diagrammes.
C'est ainsi que six heures s'écoulèrent, dans le calme
et le silence. Telle une planète, la Flamme semblait flotter
dans un univers immobile. Ses occupants ne pouvaient se rendre compte
de sa vitesse prodigieuse qu'en regardant le disque grossissant
de la lune, loin devant eux. Mais les esprits des navigateurs
n'étaient pas sans malaise ;ils s'attendaient maintenant
à se trouver face à face avec quelque force mons
trueuse. Plusieurs fois Perkins s'approcha de Halliday pour le questionner
sur le fameux bombardement. - Un canon d'une portée de
364 000 kilomètres, fichtre ! dit-il en plissant les yeux.
C'est impossible. Halliday sourit. - Ce n'est pas si difficile
à comprendre, Perk. Vous savez que la force d'attraction
de la lune est six fois moins grande que celle de la terre. En outre,
si de la terre vous vouliez bombarder la lune, votre projectile
devrait avoir une vitesse initiale de onze kilomètres à
la seconde. Renversons les rôles. Un obus tiré de la
lune ne devra posséder, pour atteindre la terre, qu'une vitesse
initiiale d'environ mille huit cent mètres à la seconde.
Les canons dont on s'est servi pour bombarder les ports anglais
en 1940 pourraient très bien faire l'affaire. - Mais
comment pourraient-ils viser la terre 'I protesta Perlons. Ça
ne fait pas une grosse cible, à 264 000 kilomètres
! Halliday se rembrunit soudain. - Malheureusement, Perk,
ils ne peuvent pas nous manquer. Si l'obus pénètre
la zone d'attraction terrestre avec une vitesse inférieure
à onze kilomètres à la seconde, il ne peut
manquer d'atteindre son objectif. On gagne à tous les coups
! Perkins s'en retourna sur son hamac, et Halliday put remarquer
qu'il resta profondément absorbé pendant tout le reste
du voyage. Ce fut pendant la vingtième heure de vol que
le premier accident se produisit, semant la panique dans l'équipage.
Il était évident que chaque heure passée entre
ces murs de métal augmentait la tension nerveuse de tous
les hommes de Halliday. Surtout chez Parker, qui arpentait fébrilement
la salle de contrôle en marmonnant des paroles incompréhensibles.
Benedict, n'y tenant plus, lui cria d'un ton exaspéré
- Vous n'avez pas bientôt fini, Parker 7 Qu'est-ce que vous
avez ? - Ce que j'ai ? Parker éclata : J'ai que ce voyage
est complètement idiot. Nous sommes ici huit imbéciles
à la merci du moindre accident. S'il n'y a rien sur la lune,
nous pouvons tout simplement nous y écraser et mourir stupidement.
Si elle est habitée, dites-moi un peu ce qui pourrait empêcher
ces... créatures d'utiliser leur canon contre nous, même
avant que nous n'atteignions la lune ? Cette éventualité
n'était encore venue à l'esprit de personne. Perkins
ricana. Il était clair qu'une profonde antipathie se déclarait
entre ces deux hommes, surtout depuis que Parker avait prononcé
à son sujet le mot de s repris de justice a. - Vous commencez
donc à y croire, aux Martiens, monsieur Parker ? Halliday
les calma tous les deux, et l'on oublia rapidement l'incident.
Mais les visages hagards et angoissés laissaient voir que
la réflexion de Parker s'était gravée dans
l'esprit de ses compagnons. Un événement se produisit
une heure après. Ces hommes abattus, qui s'attendaient au
pire, furent pris d'une réelle panique. Tout semblait
tranquille dans la cabine. Halliday était aux commandes,
Parker au télescope, Nina contemplait pensivement la terre
qui s'éloignait. Benedict, Morse et Perkins d'un côté,
Clayton et Landay de l'autre conversaient calmement près
des hamacs. Un cri de Parker interrompit tout à coup
le silence. - Grands Dieux ! cria-t-il, un obus ! Tous les
hommes se précipitèrent en désordre vers le
périscope, tandis que Parker se ruait sur Halliday en hurlant
- Déviez l'appareil, Halliday, vite ! Il s'agrippa hystériquement
à Halliday - Droit contre nous, un obus, un obus !
Halliday n'eut pas le temps de se débarrasser de Parker affolé,
car un claquement terrible se fit entendre, comme si un marteau
manié par un géant s'était abattu sur la coque
de métal. L'astronef tangua violemment, projetant l'équipage
sur le sol. A moitié assommés, encore assourdis par
le bruit effroyable de la collision, les hommes se relevèrent
en gémissant. Parker fut le premier sur pied. Il bondit
vers le tableau de bord. - Je vais changer la direction ! Nous
sommes perdus 1 s'écria-t-il. Halliday se précipita
et repoussa violemment Parker, l'envoyant brutalement sur le plancher
d'où il ne bougea plus. Après un pareil choc,
tout l'équipage semblait avoir perdu la raison. Seule Nina
restait immobile, toujours à l'endroit où elle était
tombée. Halliday s'avança vers eux - Tenez-vous
tranquilles, tas de fous 1 cria-t-il. Ce n'était qu'un météore.
Les hommes le regardèrent, indécis. - Ce
n'était qu'un météore, je vous le dis ! répéta-t-il.
Si ç'avait été un obus, il y a longtemps que
nous n'existerions plus ! - Ils nous auront la prochaine fois,
dit hargneusement Morse, fou de terreur. Il faut revenir. -
Nous ne pouvons pas revenir. - Halliday s'avança vers lui
d'un air menaçant. - Nous risquerions la mort beaucoup plus
facilement en essayant de revenir. Il faut continuer. Clayton
vint à son aide. - Il a raison. Nous ne pouvons pas faire
autrement que continuer. Benedict se pencha vers Nina toujours
inconsciente et la porta sur une couchette. La vue de la jeune fille
calma les hommes pour un instant. Halliday, décidé
à tout, se dirigea brusquement vers le magasin de l'astronef.
Benedict, occupé à ranimer Nina, leva les yeux vers
lui. - Où diable allez-vous, Halliday ? - Je vais
examiner la coque, répliqua Halliday. Nina, revenue à
elle, tenta de repousser Benedict et ale quitter la couchette
- N'y allez pas, supplia-t-elle, n'y allez pas. Vous allez vous
tuer ! Halliday se retourna vers elle, surpris. - Sottises,
dit-il avec un rire bref. Je vais prendre un scaphandre. Restez
aux commandes, Clayton. Landay, exercez donc vos talents de médecin
sur Parker. Perkins, occupez-vous de la chambre d'éjection.
Il disparut dans le magasin pendant que les hommes se hâtaient
d'exécuter ses ordres. Cinq minutes après il revint
sous la forme d'une grotesque figure de carnaval, ventrue et maladroite.
Perkins, près de la chambre d'éjection, avait déjà
ouvert la portière, découvrant un petit compartiment
métallique tout juste assez grand pour le scaphandrier. Halliday
y pénétra sans hésitation et Perkins referma
la porte derrière lui. Un instant après une ampoule
s'alluma au-dessus de la portière. Halliday était
prêt à être lâché dans l'espace.
Halliday éprouva tout d'abord une sensation irrésistible
de vertige. Il se sentait malgré lui attiré par l'ombre
immense qui l'entourait. Ses yeux se portèrent vers des étoiles
mortes, petites taches laiteuses qui ne brillaient plus. II avait
l'impression de se trouver au bord d'un puits sans fond ; il suffisait
d'un geste pour y disparaître, pensa-t-il. Lançant
un petit rire de défi à l'intérieur de son
casque, il avança doucement une jambe dans le vide et pivota
sur lui-même afin de faire face à l'astronef. Puis
branchant la torche électrique solidaire de son scaphandre,
il se mit à suivre les échelons qui devaient le conduire
à l'avant. Agrippant avec précaution chaque barreau,
il se déplaçait lentement dans l'obscurité,
explorant soigneusement la surface lisse de la coque. Il eut
soudain conscience d'une clarté, au-dessus de lui, vers sa
droite. Levant prudemment la tête, il se trouva en face du
disque à moitié éclairé de la lune,
où dans la lumière impitoyable du soleil se détachaient
les pics et les cratères. Pendant un moment il resta
immobile, seul dans l'infini, contemplant le globe d'où provenait
maintenant une menace terrible. Puis chassant le mélange
d'étonnement et de peur qui l'envahissait, il continua à
avancer. II ne put retenir une exclamation. De petites déchirures
de métal, à trois mètres devant lui, brillaient
dans le faisceau de sa torche électrique. Grimpant rapidement,
il se pencha sur une petite dépression, grosse environ comme
la tête d'un homme. Dans son scaphandre, Halliday laissa échapper
un gloussement de satisfaction. La coque intérieure n'avait
heureusement pas été touchée. - C'est bien
ce que je pensais, murmura-t-il. Parker, dans son affolement, avait
pris un météore dont la surface brillait pour un énorme
projectile. Après un dernier coup d'oeil autour de lui,
il se mit en devoir de retourner vers la chambre d'éjection.
Cela faisait quatre minutes qu'il était sorti. Il lui restait
encore une réserve de huit minutes d'oxygène dans
l'équipement provisoire que dans sa hâte il avait endossé.
Halliday ne sut jamais exactement comment l'accident arriva. Peutêtre
fut-ce un simple vertige, ou une légère fatigue, peut-être
un mélange trop riche en oxygène dans son casque.
Mais il se souvint qu'un étourdissement le prit, et sans
doute pour réagir contre cette sensation redressa-t-il involontairement
le corps. Il se peut qu'en agissant ainsi il ait inconsciemment
heurté la coque avec le pied. Toujours est-il que Halliday
aperçut tout à coup l'astronef s'éloigner rapidement,
et se vit lui-même flotter dans le vide. Il vit avec terreur
l'appareil rétrécir distinctement. Tout s'était
passé si rapidement que Halliday en restait hébété.
Mais bientôt une panique folle l'envahit. Ses membres de métal
s'agitèrent désespérément dans le vide,
et tandis qu'il hurlait dans le téléphone qu'il savait
ne pas être branché avec l'astronef, les minutes passaient,
la Flamme devenait de plus en plus petite... L'oxygène se
raréfiait dans son casque, et la chaleur impitoyable du soleil
commença à traverser ses vêtements d'acier.
Les tempes se congestionnèrent, le coeur se mit à
battre si fort qu'il tressaillait à chaque pulsation. La
fièvre avait déjà fait de tels progrès
que, dans sa tête en feu, des images fantastiques... Armés
chacun d'une masse incandescente, des Martiens frappaient à
coups redoublés sur sa carcasse métallique, qui chauffée
à blanc se collait progressivement contre lui... II perdit
connaissance. Il revint à lui lentement pour apercevoir
à travers un brouillard les visages de ses camarades. Le
brouillard se dissipa, et aspirant douloureusement une bouffée
d'air, Halliday regarda autour de lui. Dans le hamac voisin, il
vit Nina, sanglotant, pendant que Parker essayait en vain de la
calmer. Halliday ouvrit la bouche, mais les paroles s'étranglèrent
dans sas gorge. Devançant ses questions, Benedict lui dit
doucement - Mademoiselle Wingate a fait du bon travail.
Halliday fit un effort pénible pour s'asseoir. - Mademoiselle
Wingate ? Landay força gentiment Halliday à se
rallonger dans le hamac. - Il vaut mieux que vous restiez tranquille
un moment. Oui, c'est Mlle Wingate qui vous surveillait par
le hublot. Quand elle vous a vu partir à la dérive,
avant même que Clayton ait pu dévier la marche de l'appareil,
elle a enfilé un scaphandre, attrapé un pistolet à
réaction et vous a ramené inconscient. C'est une fille
qui a du cran. - C'est vrai, renchérit Clayton. On était
tous morts de peur. Halliday sourit faiblement. - Je reviens
de loin. II s'endormit profondément.
CHAPITRE III LES HOSTILITÉS
Comme un gros ballon blanchâtre, la lune
enflait toujours, suspendue dans un ciel d'encre. Et l'atmosphère
fiévreuse qui régnait à l'intérieur
de la Flamme s'accentuait insensiblement. Cependant le spectacle
inacoutumé du ciel détourna momentanément les
esprits du danger imminent. Pendant des heures interminables les
huit explorateurs se penchèrent tantôt sur le télescope
de Parker, tantôt sur le périscope où la terre
rapetissait à vue d'oeil. Mais une sensation de claustration
et d'impuissance s'insinua à nouveau dans le petit groupe,
car leur dangereux objectif était à présent
terriblement près. Halliday s'occupait des derniers préparatifs,
plongé dans une rêverie dont il essayait de se débarrasser.
Pendant qu'il consultait ses cartes, l'image de Nina lui était
apparue sous un aspect nouveau. Depuis son adolescence, il n'avait
eu d'autre ambition que de poursuivre les recherches de son père.
Tout à la mission qu'il s'était imposée, il
avait écarté toute autre préoccupation. Et
il en était arrivé tout naturellement à considérer
les femmes comme un embarras pur et simple. Il était
maintenant obligé de reconnaître que Nina avait en
quelque sorte sauvé l'expédition. Depuis l'accident,
celle-ci avait d'ailleurs fait en sorte de l'éviter, ce dont
il lui était reconnaissant. Mais Halliday songea qu'il n'avait
guère le temps de se forger une nouvelle opinion. Lorsqu'arriva
le moment de contourner la zone d'attraction lunaire, Halliday avait
terminé son plan d'opérations et se mit en devoir
de l'expliquer à ses compagnons. Ils devaient se poser
dans le cratère d'Archimède, à une centaine
de kilomètres à l'ouest de l'établissement
présumé des Martiens, à l'abri d'une chaîne
de montagnes. Ils se diviseraient en deux groupes de reconnaissance.
Benedict prendrait avec lui Perkins et Morse ; lui-même se
chargerait du second groupe, composé de Clayton et de Landay.
Parker et Nina resteraient à bord.
Suite et fin :
guerre2.doc (110Ko) ou guerre2.txt
(68Ko)
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