Mad Movies n°114
tous droits réservés

L'iconoclaste et la loi du genre
PETER MEDAK

L'ENFANT DU DIABLE, LA GRANDE ZORR0, LES FRÈRES KRAYS, L'AGE DE VIVRE, ROMÉO IS BLEEDING. La carrière du Hongrois Peter Medak est à l'image de ses films: chaotique, surprenante, énergique, déconcertante. Voir son nom au générique d'un film de studio, à gros budget et à gros effets, le voir remplir un cahier des charges sans débordements, tout cela méritait quelques éclaircissements.

Pour Mad Movies, il s'explique...
Vous n'êtes jamais là où l'on vous attend. Comment diable êtes-vous arrivé sur La Mutante 2 ?
Je n'ai jamais fait de film de ce genre. J'avais envie d'apprendre à travailler avec des effets spéciaux, des ordinateurs. Chi m'avait envisagé pour Golden Eye et la chose ne s'est pas faite. Alors, j'ai pensé qu'il serait amusant d'essaver celui-ci. C'est tellement différent de ce que j'ai l'habitude de faire que j'ai pensé que ça pourrait ressembler à des vacances ! Le studio trouvait intéressant de ne pas confier La Mutante 2 à un spécialiste du genre. J'ai filmé des fantômes, des thrillers, des films sombres, et ils pensaient que je pourrais amener cette expérience au film.
Vous aimez le premier ?
J'aime beaucoup le personnage de Natasha. Pas seulement parce qu'elle est nue, mais parce que l'énergie qu'elle déploie vous force à quitter du regard le corps pour fixer ses veux. J'étais surpris de ne pas voir le film d'exploitation auquel je m'attendais.
Le scénario de cette suite vous convenait-il ?
J'ai retravaillé le script avec le scénariste. Nous lui avons donné les formes nécessaires pour que le studio soit convaincu qu'il faisait un bon investissement. Il n'est pas question ici d'un exercice artistique profond et traumatisant ; ça a plutôt à voir avec la possibilité de pouvoir faire un film commercialement viable.
Comment pensiez-vous concilier votre côté iconoclaste avec les exigences du studio ?
L'idée était de trouver un équilibre entre ces deux tendances qui rendrait le film plus intéressant, artistiquement et même commercialement parlant.
Ils vous ont demandé de vous calmer ?
J'ai dis apprendre à réaliser la nature de ce que je faisais. Il s'agit d'un film de commande, qui rentre dans une catégorie spécifique. L'idée, à la base, est de faire qu'il marche, si possible en y intégrant des qualités de direction, d'interprétation, mais d'une manière assez classique. II ne s'agissait pas de terrifier le public mais de lui procurer juste quelques sensations.
Le gag qui ouvre le film vous ressemble.
Oh ! oui. Je pensais qu'on avait déjà vu cent fois ce plan de vaisseau qui entre dans le champ. Je trouvais amusant d'amener ce petit détail. On avait pensé mettre les marques les plus connues mais c'était difficile de convaincre les sponsors. J'aurais volontiers rajouté des éléments rigolos comme celui-ci, mais le studio désirait rester à tout prix au-dessous d'une certaine durée. On a dû retirer un peu plus d'une demi-heure de métrage, qui focalisait sur les relations des principaux protagonistes, leur donnait du volume. II a fallu choisir entre la texture et le rythme, et le rythme l'a emporté. Certains verraient là une occasion idéale de comparer les conceptions américaines et européennes du cinéma. Mais je crois qu'à l'heure actuelle, l'essentiel du public mondial est éduqué à la même source, MTV et CNN. J'aimerais qu'il en soit autrement, certes, mais j'avoue pour ma part que j'avais tout à fait conscience de faire un film strictement commercial.
Vous cherchez à vous positionner sur les tablettes des studios ?
Il semble que j'essaie de faire ça tous les trois ou quatre ans et que je revienne aussi réguliérement à ce que je fais d'habitude. Mais quelque part, ça fait du bien de se retrouver ailleurs que chez soi. Ça vous rafraichit. Et, honnêtement, je me suis bien amusé.
Qu'est-ce qui vous a posé des difficultés ?
Le montage. Sur un film à effets spéciaux, vous vous retrouvez à monter du vide, des plans où le sujet n'apparait pas. A vous de "voir" où commence et finit ce plan. C'est une étape trés frustrante. Et les effets eux-mêmes demandent énormément de temps, de patience, avant de pouvoir vous faire juste une petite idée. Un coup c'est pas terrible, puis ça s'améliore et puis ça devient pire encore. C'est un processus long et fluctuant, qui requiert votre présence en permanence auprés des artistes infographiques. La Mutante 2 a été monté sur six mois et demi. En comparaison, sur L'Age de Vivre, tout le processus de A à Z était bouclé en six mois.
La prédominance du danger sexuel, symbolisé par Sil, était au coeur du premier film. Cette séquelle laisse tomber cet aspect des choses.
La MGM voulait éviter la simple séquelle. La Mutante était un film de poursuite, une partie de chasse sexuelle. Ce second épisode s'attarde sur les victimes humaines du mal, d'abord à travers le personnage du cosmonaute, puis à travers celles et ceux qu'il a infectés. Le cœur de l'intrigue est composé des tourments des protagonistes, qu'il s'agisse de la lutte intérieure du héros, de la frustration de Eve et de son éveil à sa nature profonde, des rapports entre Michael Madsen et son ex...
Vous n'insistez pas beaucoup sur la progéniture du Monstre.
En effet. Les enfants ne constituent qu'une sous-intrigue, justifiant la destruction finale des cocons dans la grange. C'est jute une idée de menace, pas plus.
La créature finale a un drôle de look.
Le studio voulait un gros monstre. Et Steve Johnson, qui avait construit le corps du premier, l'avait dessiné six mois avant que Giger ou moi-même n'arrivions sur le projet. Si Giger s'en était chargé, le monstre aurait été plus gracieux. Mais c'était une question d'argent. II était trop tard pour changer de design. De plus, il était assez difficile de le faire fonctionner correctement sur le plateau. Il y avait un opérateur à l'intérieur et l'armature était difficile à maîtriser. Ce qui explique en partie que la scène soit montée de manière très hachée.
La Mutante était en cinémascope, La Mutante 2 utilise le format 1.85. Pourquoi ?
Le studio voulait un film en widescreen. J'ai pensé qu'il serait difficile de cacher les artifices avec un écran large et je préférais que le public focalise sur le centre de l'écran. La Mutante 2 se déroule en grande partie en intérieurs, à l'inverse du premier, et un écran large aurait rendu la chose confuse. En scope, vous perdez le haut et le bas du décor en vous rapprochant des visages. Mon format préféré, pour tout vous dire, reste le 1.37 des films noir et blanc. Le 1.85 est un donc un bon compromis.
D'après vous, qu'est-ce qui a changé dans le cinéma fantastique depuis L'Enfant du Diable en 1980 ?
Pour moi, pas grand-chose. Sur L'Enfant du Diable ou La Mutante 2, je fais la même chose. Je joue à créer un suspense qui confirme ou rompt les attentes du public. L'univers d'un réalisateur est reconnaissable ...

Rafik Djoumi
Mad Movies n°114 ,tous droits réservés

OPINION

La Belle et la Bête ... de sexe !

Nous sommes perdu, dans l'espace. Un gros vaisseau entre dans le champ, les turbine. ronflante,, et nous découvrons lentement sa structure. Puis, tout doucement, apparaissent un, puis deux, puis quatre, puis dix affiches de sponsor,, placardée, là comme sur une  vulgaire camionnette. La Mutante 2 est commencé depuis i peine dix secondes et l'un ,e rappelle avec joie que c'est Peter Medak qui le réalise. Chouette ! Le Hongrois barge est de retour ! Le premier épisode était un téléfilm en scope, dont le seul intérêt résidait dans sa créature féminine, naïve, féline, dangereuse Elle consommait et tuait le, hommes comme on s'offre un cornet de glace, en toute innocence. Et l'on ,t• rappelle aussi de Romeo is Bleeding. Sous là direction de Medak Lena Olin v incarnait la garce la plu, meurtrière et la plus jouissive de cette décennie, un croisement survolté entre Linda Fiorentino et Terminator. Et l'on se dit enfin lu avec la plastique impeccable de Natasha, la formidable énergie qu'elle dégage,

 Medak va nous faire le pétage de plomb total. Du sexe incorrect et du gore gerbas comme Ia commission de censure n'en voit que dans ses pires cauchemars !! On réve, quoi...
Réveillez-vous les gars ! La Mutante 2 est on film de studio. Il a été prévendu aux chaines de télé et sera diffusé en prime-time. La preuve, il y a même une histoire.
Un équipage d'astronaute, a ramené de Mars une sorte de blob qui le, a contaminés à leur insu. Leur capitaine (Justin Lazard), un "all-americas-hero" va vite se découvrir une libido incontrôlable, engrossant allégrement toutes les femmes qui croisent son chemin. Les pauvres demoiselles ne tarderont pas à donner naissance, dans un festival de tripaille, à de charmants bambins d'une dizaine d'années (ils naissent avec des fringues !), une colonie de mutants en puissance, attendant l'heure de coloniser la Terre. Plus loin, dans une base secrète, des scientifiques ont à nouveau créé une mutante d'après l'ADN de l'espace (Natacha).

Mais celle-ci est débuguée ! Si on lui assure un cadre calme et 100 % féminin, elle reste sagement dans son aquarium et joue à la balle (authentique !). Mais la présence de son mâle descendu de l'espace semble lui envoyer de la phéromone télépathique. Elle s'enfuit pour le rejoindre. S'ensuit ont quelques folles courses dont une, mémorable, où un Michael Madsen sous valium trottine une dizaine de minute, sur un parking de supermarché, et nous méne bon gré mal gré jusqu'à la confrontation finale dans l'antre de la bête, un terrible phacochère de l'espace.
Cadré de traviole, monté dans le désordre, La Mutante 2 dispense quelques effets gore heureux (les accouchements), des effets numériques foireux (Resident Evil sur Game-boy) et un manque absolu de rythme et de suspense. Et pourtant, se demanderont les producteurs exécutifs, le cahier des charges a été respecté à la virgule prés. Justement !
R. D.


Retour à la fiche du film "La Mutante 2"

 © Mars & SF - Jacques Garin 1998-2003