Chronique Scientifique : Une nouvelle approche des problèmes des canaux de Mars par Gérard Klein Depuis 1877, l'année où Schiaparelli vit pour la première fois des « canaux » à la surface de la planète Mars, bien de l'encre a coulé sous les ponts. Adversaires des canaux et convaincus se sont pittoresquement injuriés. Toutes sortes d'explications ont été avancées, destinées à éclairer la cécité des uns ou la crédulité des autres. Ainsi a-t-on dit que les canaux n'étaient que des taches sur les lunettes, ou encore que des instruments puissants les résolvaient en points aléatoirement disposés. Mais des hypothèses autrement ingénieuses ont été échafaudées à propos des canaux. La plupart tournent autour de l'idée de l'existence d'une vie intelligente sur Mars. De là vient peut-être la fascination qu'exerce Mars sur le public. La planète soeur, presque proche, tourne là-bas, un peu à l'écart du soleil, balle de sable que nul n'ignore désertique, où lutte et survit une race qui fut grande, nous montrant ainsi le chemin par lequel nous sommes condamnés à passer à notre tour. Une de ces conceptions nous montre Mars en proie à la sécheresse, et les canaux ne seraient que d'immenses aqueducs destinés à porter au printemps l'eau des pôles vers l'équateur, et ces traits de crayon sur la planète dessinant un étrange damier seraient tracés par la végétation qui suivrait l'eau. Un écrivain de science-fiction d'avant-guerre avait eu une curieuse idée : les canaux de Mars, disait-il, n'étaient que des remparts de feu et de cendre, artificiels, séparant les nations martiennes et destinés à les empêcher de se faire la guerre. Dans le livre de C.S. Lewis, « Le silence de la Terre», nos canaux ne sont plus que de profondes vallées où la vie s'est réfugiée. Mais le temps des explications n'est pas encore venu. Bientôt, nous nous poserons sur Mars et le problème sera résolu. Il vaut pourtant la peine d'être préalablement approfondi. On peut poser tout d'abord le problème de l'existence du fait
«canaux». On a semble-t-il, convenablement établi que certains canaux se
résolvent en points distincts (cf. Gérard de Vaucouleurs « Astrophysique de la planète
Mars »). Cependant on ne peut manquer d'être frappé par la similitude des
différentes cartes proposées par les observateurs de canaux. Se sont-ils
influencés les uns des autres ? On ne saurait manquer en tout cas de relever
que plusieurs documents photographiques intéressants ont été versés au dossier
des canaux. L'article de Webb est brillant, sinon convaincant. Il n'est pas question de l'exposer ici en détail, mais seulement de le résumer rapidement. Webb cite la tentative de Trumpler de photographier les canaux de
Mars. A l'aide d'un grand nombre de photos, Trumpler a effectivement obtenu en
1924-1926 une carte des canaux martiens qui ressemble étroitement à celles de
Schiaparelli et de Lowell. En 1947, Edison Pettit a confirmé l'existence de ces
canaux, et en 1954, il affirma qu'ils étaient bien aussi nombreux que ceux qui
sont représentés sur la carte de Trumpler, le tracé demeurant le même à quelques
points de détail près. Résultats en pourcentage
(1) Il n'y a évidemment pas de point qui soit relié par 2 segments et qui soit distinct de tout autre point de ces segments. Dans le cas des réseaux naturels, le mode de la distribution se situe aux alentours de trois segments par point, avec une faible dispersion. Dans le cas des canaux de Mars et des réseaux de type chemin de fer ou trafic aérien, le mode se situe aux alentours de quatre, avec une forte dispersion. Il existe un type de réseau naturel qui a également quatre pour mode; c'est la toile d'araignée ; mais la dispersion est dans ce cas pratiquement nulle. Webb ne présente pas de conclusions. Il estime cependant que les
cartes de Lowell et de Trumpler présentent des caractéristiques surprenantes.
Elles correspondent en effet assez précisément aux réseaux de communications
que l'on constate sur notre planète. Le nombre de segments entre les points,
dit-il, se développe en fonction de la nécessité de communiquer. La méthode de Webb est en tout cas inattaquable tant qu'on ne lui fait
pas dire plus que son auteur ne le prétend. On notera au passage qu'elle
présente un très réel intérêt pour l'économiste ou pour le psychologue qui
désire comparer des réseaux sur notre bonne vieille planète. Gérard KLEIN.[ Satellite n°15, mars 1959] Bibliographie Note du 15 décembre 2004: Quarante-cinq ans après la publication de ce bref article, nous en
savons évidemment beaucoup plus grâce aux sondes spatiales. Il n’y a pas de
canaux sur Mars et encore moins d’animaux susceptibles de les avoir tracés lors
de leurs migrations. Rappelons du reste que le terme même de canaux vient d’une
mauvaise traduction de l’italien canali
beaucoup moins évocateur. GK Accueil / Plan du Site |